Affaire Colonna : deux suspects mystérieux, le procès chamboulé
« Il y a peut-être deux hommes dans la nature qui ont participé à l’assassinat du préfet (…) Cela m’est insupportable. » Didier Vinolas est témoin cité par la défense d’Yvan Colonna. Il est commissaire de police en position détachée à la Mairie de Paris, mais surtout ancien secrétaire général de la Préfecture d’Ajaccio quand Claude Erignac était en fonction. Sa déclaration a jeté la stupeur dans le prétoire vendredi, à la cour d’assises de Paris.
Le policier affirme tenir depuis septembre 2002 ces « deux noms » -qu’il a refusé de révéler- d’un informateur anonyme, et les avoir transmis quelques jours plus tard au procureur Yves Bot. Celui-ci s’apprêtait alors à prendre la tête du parquet de Paris avant de devenir, en 2005, procureur général de Paris et aujourd’hui avocat général à la Cour de justice des communautés européennes à Luxembourg.
Vinolas a précisé avoir aussi transmis les noms de deux suspects, en février 2004, à Christian Lambert, ancien chef du Raid, qui doit déposer vers la fin du procès, et à Charles-Antoine Erignac, le fils du préfet, membre du cabinet de Philippe Lemaire, avocat de la famille Erignac. Me Lemaire ne s’en est pas moins déclaré stupéfait:
« Je me dis qu’il y a peut-être d’autres personnes ayant participé à l’assassinat » qui n’ont jamais été arrêtés, a poursuivi le commissaire divisionnaire. Déjà témoin au premier procès de Colonna fin 2007, il n’avait jamais évoqué cette hypothèse, mais s’est décidé à en parler en appel pour « aider les magistrats à forger leur intime conviction », évoquant aussi du « risque de laisser condamner un innocent ».
Apparemment, aucune recherche n’a été entreprise pour corroborer cette information. Et c’est la vraie question posée par cette déposition fracassante. L’enquête sur le meurtre du préfet a-t-elle été menée jusqu’au bout?
Le problème mérite d’autant mieux d’être posé que sur plusieurs autres points on relève d’importantes lacunes dans le dossier d’accusation:
- aucune expertise balistique « officielle »
- une expertise médicolégale conduite par le Dr Paul Marcaggi qui est remise en cause sans cesse par les parties civiles
- Une 205 GTI blanche dotée de fausses plaques d’immatriculation, citée par plusieurs témoins comme présente sur les lieux et partie en trombe, n’a jamais été identifiée
Ces lacunes sont autant de balises sur l’itinéraire d’instructions conduites de façon pour le moins critiquables. Les juges d’instruction avaient conclu à la culpabilité d’Yvan Colonna.
Sans la moindre preuve matérielle, uniquement sur la base de dépositions d’autres hommes impliqués dans le meurtre, et qui sont d’ailleurs revenus sur leurs dénonciations. Cet itinéraire nous conduit de façon très directe vers un énorme scandale annoncé: alors qu’il a été dénoncé par Nicolas Sarkozy comme le coupable du meurtre, Yvan Colonna pourrait être étranger à l’affaire. Donc innocent. Ce qu’il a toujours soutenu.
Son éventuelle culpabilité, martèlent ses avocats, pourrait ne pas être démontrée du tout. Ce samedi soir, les avocats de la défense vont demander un « complément d’enquête ». Ce qui conduirait à la suspension du procès.
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