CATASTROPHIQUE : 750 Milliards : chroniques d'une fin non annoncée
750 milliards mis sur la table en quelques heures, impensable quelques jours avant, mieux et plus vite que Paulson, et en infraction avec le traité européen qu'on avait déjà tiré aux forceps, voilà la danse du ventre pharaonique qui a été jouée dans la nuit de dimanche à lundi à Bruxelles, peu avant l'ouverture des marchés, pour éviter un lundi noir qui aurait du conclure les débandades boursières de la fin de semaine. Si lundi les marchés ont applaudi les roulements de hanches de la belle Lagarde et de ses homologues, certains analystes pensent que cette somme colossale ne sera que la dernière tournée offerte aux Danaïdes et sera suivie par une descente aux enfers précipitée.
Qu'on se représente déjà le chiffre : Le new deal de Roosevelt, c'était 50 milliards en dollars d'aujourd'hui, et le plan Marshall, 100 milliards d'aujourd'hui (1). Mais se rend-on compte que cette somme fabuleuse, 750 milliards, l'intervention la plus démentielle de tous les temps, et de loin, ne représente qu'à peine plus de 10% de la dette de la zone Euro, qui est de 7.000 milliards d'Euros (2)? Se rend-on compte aussi que sur cette somme, où l'intervention du FMI doit être considérée comme complémentaire de l'intervention européenne, plus de la moitié des 750 milliards, soit 440 milliards, doivent être considérés comme "mobilisables", c-a-d qu'ils n'existent pas encore? Et pourtant ! Cette somme si folle fait si pâle figure ! "Cela ne suffira pas", indique philippe Dessertine (1), ce que confirme Frederic Lordon : "un plan de sauvetage de l’Espagne seule a été estimé par Natixis à un ordre de grandeur de 400-500 milliards d’euros, et l’on ne parle encore ni de l’Italie, ni de l’Irlande" (9).
Rien n'est fondamentalement changé, au contraire, si le gouffre a été temporairement écarté, la situation a fortement empiré : Moody's, en dépit de la décision européenne, a toujours l'intention de poursuivre l'abaissement de la note de la Grèce, de l'Espagne et du Portugal (3), et, si la cagnotte européenne devait être activée, ce sont les signatures des 3 locomotives européennes (Allemagne, France et Pays-Bas) qui risquent d'en pâtir, selon Dessertine, ce qui provoquerait "une onde de choc" (1). Or dans cette partie de Hold'hem poker, si Bruxelles a abattu une partie de son jeu ce WE, les marchés vont vouloir voir les cartes cachées et vont s'infiltrer dans les failles pour mesurer la consistance de ces annonces : "On va nécessairement utiliser ce dispositif", poursuit Dessertine.
Le dispositif en place n'est en effet rien d'autre qu'une arme anti-spéculation très temporaire, qui aura le mérite de ne pas démentir Sarkozy quelques temps. Contrairement à ce qui avait été exigé du traité de Lisbonne, et c'est la grande nouveauté du WE, les pays dans la mélasse pourront maintenant court-circuiter le marché en empruntant directement à la BCE, qui a contourné le traité en se plaçant sur le second marché. La BCE, achetant depuis lundi de la dette publique et privée, a donc maintenant, à son corps défendant, la capacité de création monétaire, devenant, à l'instar de la Fed, opérateur de planches à billets et incinérateur de junk bonds ; planche à billets, terme qu'elle n'aime pas beaucoup et qu'elle dénie (4) en jurant sur la tête du veau d'or qu'elle réintégrera ultérieurement les liquidités distribuées dans cette orgie européenne qui pourrait invoquer l'ombre de Weimar, en ayant oublié de préciser quelles étaient les seules et très précises conditions économiques qui rendrait possible ce retour de liquidités.
C'est ainsi que la Grèce a pu emprunter, dès Lundi, à un taux bien moins coercitif : "La mesure a contribué à la chute spectaculaire des taux des obligations grecques à 10 ans, qui sont passés de 12,4 % vendredi soir à 6,4 % lundi" (5). Sus aux spéculateurs ! Oui mais voilà, c'est précisemment ce que voulait interdire le traité de Lisbonne, afin de "responsabiliser" les dirigeant politiques. Les spéculateurs sont momentanément arrêtés, mais le robinet de la BCE a été ouvert. Cette fontaine de jouvence, appelée bouton nucléaire dans le jargon financier, s'il est commode dans ses modalités (d'où son appelation anglophone "easing"), donne maintenant la possibilité aux états de s'y abreuver indépendemment de toute responsabilité ou irresponsabilité budgétaire, sans parler du spectre inflationniste. Peut-on pousser la caricature jusqu'à imaginer un gouvernement carburant à l'absynthe qui aurait toujours, quoiqu'il fasse, la fontaine de jouvence à sa portée?
Pas tout-à-fait, car outre les mesures de consultations budgétaires préalables de la commission européenne en préparation - Il faut bien présenter un peu de sérieux - , c'est le FMI qui, de sa hauteur participative de 50%, viendra jouer le père fouettard pour les récalcitrants. Le 9 mai 2010 marquera en effet la date où une organisation supra-nationale, non-européenne, aura conquis le droit d'ingérence sur un pays de la zone Euro dépassé par son endettement, et le droit de briser les acquis sociaux que ses aïeux auront mis 50 ans à construire. DSK aura du mal, après ça, à expliquer qu'il est socialiste (6).
Ce qu'on oublie allégrement de dire dans cette affaire, c'est que l'actuelle crise n'est pas une crise du déficit budgétaire de la Grèce, ni des PIGS, tout au moins pas directement, mais bel et bien une crise des banques européennes, et l'opération de sauvetage n'était pas destinée à la Grèce, mais aux banques européennes, ainsi que le rappelle Marc Faber (7). Ce sont encore, une nouvelle fois, les banques qui ont été sauvées, et, en dépit de la posture sarkozienne à l'encontre des spéculateurs, ce sont des nouvelles munitions que l'on va présenter à la spéculation : "les membres de l’Union, en collaboration avec le Fonds Monétaire International (FMI), préfèrent mettre 750 milliards d’euros à la disposition des marchés. Les spéculateurs doivent se frotter les mains [...] Car, dans l’intervalle, rien n’est entrepris pour stopper la spéculation. Les banques pourront continuer de manipuler les cours comme elles l’entendent. Surtout qu’elles sont maintenant assurées d’être remboursées" (8). Ce ne sont pas les futurs états défaillant de la zone Euro que l'on cherche à sauver, mais leurs créanciers.
C'est donc d'un nouveau hold-up dont il s'agit, au crédit de la spéculation et au débit de la dette publique, qui vient de s'opérer. Les garanties en jeu ne reposent que sur un phénomène de lévitation collective, nommée bootstrapping par Lordon, où la croissance est attendue comme le Messie, faute de quoi l'ensemble du dispositif est condamné à l'effondrement
: "ce sont les États qui se garantissent mutuellement au moment même où leurs solvabilités sont mises en doute. Rien ne permet d’exclure le scénario au terme duquel – dans six mois, douze, dix-huit ? – l’opinion financière, aujourd’hui enivrée par les centaines de milliards gracieusement mis à sa disposition, prendrait pleinement conscience du caractère de bootstrapping de la manœuvre. Si la croyance financière effectue ce nouveau déplacement, l’ensemble du dispositif connaîtra la ruine et tout sera à refaire. Il faut donc souhaiter très fort que la croissance revienne au plus vite" (9).
Or comment envisager une croissance dans le plan d'austérité qui va s'abattre sur toute l'Europe? L'emballement des dettes souveraines sans perspectives de croissance est un suicide organisé. Les financiers sont donc très perplexes devant le plan Européen :
Jim Rogers : "Le plan de sauvetage européen est un clou dans le cercueil [...] Cela signifie qu'ils ont abandonné l'Euro, ils ne font pas particulièrement attention s'ils ont une monnaie sonnante, tous ces pays dépensent de l'argent qu'ils n'ont pas, et ça va continuer [...] C'est une monnaie politique, et personne ne se soucie de l'économie d'arrière-plan indispensable pour avoir une monnaie solide. Je pense que ça va couler, ils gaspillent encore plus d'argent dans ce problème et ça va rendre les choses pires" (10)
Peter Schiff confirme que toute croissance est inenvisageable, et que l'investissement privilégié restera l'or, devant la monétisation de la dette américaine et européenne : "Ils vont faire un Euro aussi faible que le dollar" (11). Se ruer sur l'or, avant quelle genre de période faut-il avoir ce réflexe?
Constat très simple : force est de constater que la construction devient non seulement toujours plus instable, mais que le pari de sa solidité se base sur l'espérance d'une croissance imminente, dont on sait qu'elle n'aura pas lieu, de part une panne de l'économie réelle et le fardeau d'un plan d'austérité massif, et dont l'absence générera une spirale de dette publique exponentielle. De trois choses l'une :
- Incompétence généralisée ?
- Fuite en avant incontrôlée, faute d'alternative ?
- Construction délibérée d'un effondrement ?
A vous de choisir. Selon Philippe Dessertine, le grand emprunt de 35 milliards était la dernière étape avant le gel des dépenses de l'état, sans qu'on nous l'ait dit. 5 milliards d'économie, "une blague" ! 80 milliards de contribution de la France au dispositif européen, en plus de son déficit abyssal, c'est ça qu'il faut prévoir, c'est un plan comparable au plan d'austérité grec qui nous attend, selon l'économiste (12). Depuis son élection, Sarkozy a fait passer le déficit public de 2,7% en 2007 à 8,2% en 2010 (13), cad qu'il l'a triplé en 3 ans, même les précaires qui ont connu plus que les autres la radicalisation du coût de la vie pendant cette période n'arriveront pas imaginer ce que sera l'austérité française quand elle s'alignera sur celle de la Grèce.
Selon Elie Cohen (13), le plan européen ne fait que repousser les "regains spéculatifs", qui surgiront à nouveau très prochainement, quand les mécanismes nationaux d'activation du plan d'aide mettront en évidence les faiblesses des états en difficultés. Autant dire que le plan de 750 milliards, simple bulle d'air furtive, n'a pas seulement échoué à écarter la potentialité spéculative, mais il enlève tout espoir de croissance, et donc tout espoir de recouvrer les dettes. Autant le dire de suite, la partie est terminée. Et ensuite ? Un des rares à avoir abordé le sujet tabou est Philippe Dessertine, professeur à Nanterre, directeur de l’Institut de Haute Finance, qui, comparant la crise actuelle à celle de 1929, nous situerait actuellement vers ... 1937. "Le temps presse", dit-il, si l'on veut éviter la guerre
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