Mercredi 29 juillet, une assignation a été lancée par Irving Picard, l’administrateur judiciaire chargé de récupérer l’oseille pour le compte des victimes de Bernard Madoff. Il demande à sa femme, Ruth, la modeste somme de 44,8 millions de dollars. Il s’agit de la première action judiciaire lancée contre un membre de la famille de Bernie, laquelle proclame à l’unisson n’avoir rien su des agissements criminels du patriarche new-yorkais.
Dans ses conclusions, Picard observe notamment que « … quel qu’ait été le degré de connaissance réelle par Madame Madoff de la fraude perpétrée par son mari, il n’en reste pas moins qu’elle a perçu des dizaines de millions de dollars auxquels elle ne pouvait pas, en toute bonne foi, prétendre ». Le procès contre l’épouse prodigue fait suite à une douzaine d’autres déjà engagés par Monsieur Picard contre des hedge funds et quelques individus impliqués dans l’affaire à des degrés divers, en vue de récupérer les profits qu’auraient pu générer les 65 milliards de dollars détournés par Madoff et qui, selon lui, « ont forcément fait des petits quelque part ».
Dame Madoff a vite écoulé les deniers de son mari
Sur les 44,8 millions qu’il s’apprête à faire casquer à Dame Madoff, l’administrateur affirme qu’au moins la moitié provient directement des fonds détournés par Bernie au cours des deux années précédant son arrestation. Des fonds qu’elle a utilisé pour des dépenses personnelles un brin excessives aux dires des limiers qui se sont penchés sur le train de vie de Ruthie, déjà qualifiée de « future veuve joyeuse » par certains médias underground.
Comme Picard commence à y voir un peu plus clair dans le black micmac de l’escroc, il est en mesure d’affirmer que près de 10 millions de dollars mis à disposition de Madame ont été détournés par la branche anglaise du « groupe Madoff » au cours des 2 années qui ont précédé la découverte de l’arnaque. De son côté, la brigade financière anglaise (« Serious Fraud Office ») s’est penchée sur le dossier au titre d’opérations de blanchiment présumées, ce que le personnel local concerné qui se compte sur les doigts d’une seule main conteste vigoureusement.
Peter Chavkin, l’un des avocats de Madoff qui ne manque pas de culot – après tout il est payé pour ça – affirme que l’action judiciaire engagée par Picard est sans fondement juridique et qu’elle est particulièrement choquante au plan de l’équité. Il rappelle que son client s’est déjà désisté de tous ses droits sur les actifs identifiés et désignés pendant son propre procès et que le mois dernier, sa chère et tendre avait déjà restitué près de 80 millions de dollars, ne conservant, au titre d’une transaction passée avec les procureurs fédéraux, que la somme ridicule de 2,5 millions de dollars, autant dire rien.
A l’ombre et sur le net, Bernie reprend du poil de la bête
Picard, lui, a répondu, à demi-convaincant, que le procès se justifiait de toute façon, du simple fait du déséquilibre manifeste entre les avantages financiers considérables dont Dame Madoff continue à bénéficier et la détresse financière des victimes de son mari. Une « détresse » qu’aux USA, on se gêne de moins en moins, dans les classes les plus populaires durement touchées par la crise, à attribuer d’abord à la cupidité des clients du saint homme, attirés sans discernement par des promesses de rendement aussi mirifiques qu’improbables. Conjuguée à la troublante myopie dont ont fait preuve, malgré les signaux d’alarme agités par des professionnels reconnus, les gendarmes de la haute finance new-yorkaise envers l’escroc, l’antipathie révulsée que suscitait Bernie dans l’opinion lorsque sa fraude massive à été découverte, tend à s’émousser quelque peu. Les blogs qui soulignent qu’il a finalement fait assez dignement face à ses responsabilités sont chaque mois un peu plus nombreux. De là à prétendre que le doux Bernie s’est contenté de punir des rapaces dévoyés, le fossé est encore assez large et pas près d’être comblé.
Pendant qu’on disserte sur la relativité de la morale, Bernie suit son petit bonhomme de chemin. Le 14 juillet 2009, jour de liesse nationale que les ricains, ironie de l’histoire, nomment « Bastille Day », il a donc été embastillé à la prison de Butner en Caroline du Nord ; un établissement pour VIP de la carambouille. Son comité d’accueil comprenait notamment John et Timothy Rigas, les ex-dirigeants déchus d’Adelphia Communication Inc, une affaire devenue sous leur gouvernance éclairée le 6ème cablo-opérateur américain présent dans 32 états de l’Union, avant d’être allègrement pillé et de valoir à son fondateur John Rigas quelques années de pension dans un pénitencier d’état.
Si tout se passe bien pour lui, Rigas sortira de calèche à l’âge de 92 ans… Ça réchauffe le cœur de savoir que se ne sont pas les passionnants sujets de discussion qui manqueront entre les vieux rois de l’arnaque pendant les promenades. Le meilleur remède contre l’ennui et la dépression comme chacun sait…