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Elections israéliennes : l’extrême-droite arbitre des élégances

Rien n’est encore acquis après les législatives du 10 février mais Benjamin Netanyahou devrait être appelé à former le prochain gouvernement. Dont l’arbitre est le leader d’extrême droite, Avigdor Lieberman.

Le président d’Israël, Shimon Peres a annoncé qu’il n’invitera personne à tenter de former un nouveau gouvernement avant la semaine prochaine. Quelques cent milles voix — des votes par correspondance, essentiellement de soldats — restent à compter. Mais une chose est sûre : le prochain gouvernement israélien sera de droite.

Même si le parti Kadima de la ministre des Affaires Etrangères Tzipi Livni a devancé le Likoud de Benjamin (Bibi) Netanyahu d’un seul siège à la Knesset (le parlement israélien), Kadima n’est pas vraiment un parti centriste. En tout cas pas au sens où la presse occidentale le classe malencontreusement.

Comme l’a très bien écrit Avirama Golan dans le quotidien de référence Ha’aretz, au lendemain des élections du 10 février, « Livni prétend que la vielle division entre la droite et la gauche est morte. Elle n’a que partiellement raison car en fait elle parle du schisme entre faucons et colombes. Sur ce point, elle a raison car tout le monde est devenu un faucon maintenant. Mais selon toutes les normes internationales, Kadima est un parti de la droite modérée, le Likoud de la droite immodérée et Avigdor Lieberman et son parti Yisrael Beitenu (Israël Notre Maison) appartiennent à l’extrême droite. »

Percée de l’extrême-droite

Le virage d’Israël à droite est marqué par la poussée surprise d’Avigdor Lieberman que le politologue Ze’ev Sternhell de l’université Hébraïque qualifie d’« homme le plus dangereux dans l’histoire de l’Etat d’Israël. » Ancien videur de bar dans l’ex-URSS avant d’immigrer en Israël il y a 30 ans, Lieberman est un raciste fascisant. Et maintenant, avec quinze sièges à la Knesset, son parti devient la troisième formation du pays, reléguant ainsi les travaillistes d’Ehud Barak à la quatrième position. Pour Lieberman, la démocratie n’est qu’accessoire et, pour lui, « quand il y a une contradiction entre les valeurs démocratiques et les valeurs juives, ce sont les valeurs juives et sionistes qui sont les plus importantes. »

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L’ombre de Moshe Feiglin plane sur le parti de Benyamin Netanyahu
© Oliv’

Dans son livre Ma Vérité, Lieberman étale son hostilité au pluralisme politique : Israël doit être un état juif homogène « autant que possible. » Il veut épurer Israël des Arabes, qu’il perçoit comme des « traîtres » et leur nie le droit de voter. Il a fait une campagne anti-arabe cette année avec le slogan « Pas de loyauté, pas de citoyenneté » et veut même faire retirer la nationalité israélienne à tous les Arabes du pays qui représentent 20% de la population, s’ils ne font pas serment de loyauté à l’état sioniste ! Et le programme de son parti Yisrael Beitenu propose de transférer des parties d’Israël à forte majorité arabe à l’Autorité palestinienne (sans consulter les citoyens arabes, bien sûr.) « En échange », Israël annexera une partie de la Cisjordanie.

Un régime à la sauce Vladimir Poutine

Lieberman propose aussi de transférer une bonne part des pouvoirs de la Knesset au Premier ministre qui, selon lui, devrait être élu au suffrage direct pour pouvoir ainsi abroger par « décret d’urgence » des lois votées par le Parlement. « Lieberman veut instaurer un régime à la sauce Vladimir Poutine » estime le politologue Yoav Peled de l’Université de Tel Aviv, « et c’est dangereux parce qu’il aura bientôt le pouvoir. »

Et oui… Ni Tzipi Livni, ni Bibi Netanyahu ne sont capables de former un gouvernement sans l’appui de Lieberman qui exige entre autres le ministère de la Défense et donc la mainmise de l’armée. Avec Lieberman, le bloc des partis de droite — Likoud en tête avec les partis religieux — disposera de 65 sièges dans une Knesset de 120 membres.

Quant à Livni, même en s’alliant avec Lieberman, ce qu’elle cherche à faire dans les tractations en cours, elle aura la plus grande difficulté à rassembler une majorité parlementaire. Elle a déjà échoué à former un gouvernement après la démission annoncée du Premier ministre Ehud Olmert. Et si elle parvient à s’allier avec Lieberman — ce qui est peu probable — elle perdra alors toute chance d’inclure dans sa coalition le parti Travailliste et le petit parti de gauche Meretz (descendu à seulement 3 sièges lors de l’élection).

Les Travaillistes contre une alliance avec Lieberman

Lorsque Ehud Barak a déclaré juste avant l’élection qu’il pourrait accepter une coalition où Lieberman figure, il a déclenché une tempête dans son propre parti. Par exemple, le ministre (travailliste) de l’Education dans le gouvernement actuel, Yuli Tamir, a dit publiquement à Barak que « nous sommes en train de perdre des voix à cause de ta volonté de t’allier avec Lieberman ». Une alliance qu’il a qualifié d’« immorale. » Même pour le membre de la Knesset Shelly Yachimovich, un des plus fervent supporters de Barak, « Lieberman est un phénomène sombre et dangereux. Il met la démocratie en danger et s’allier avec lui est une ligne rouge morale que nous ne devons pas franchir. » Si Barak veut conserver le leadership des Travaillistes après leur cuisante défaite lors des élections — ce qui est déjà difficile pour lui — il ne peut guère se permettre de rejoindre un gouvernement où Lieberman siège.

Ainsi, la tentative de Tzipi Livni de former un nouveau gouvernement de coalition semble vouée à l’échec. Et comme l’a écrit Ben Kaspit dans le quotidien Ma’ariv au lendemain des élections, «  sauf surprise sensationnelle, Netanyahu sera le prochain Premier ministre d’Israël. »

C’est Dallas au sein du parti d’extrême-droite !

Mais il est néanmoins possible que Lieberman ne sera pas lui-même ministre, car il est sous le coup d’une enquête policière pour fraude et corruption. Il est soupçonné par la police d’avoir utilisé des comptes bancaires à Chypre enregistrés sous le nom de sa fille pour blanchir de l’argent.

En janvier dernier, la jeune femme, son ancien avocat et cinq autres personnes ont été interpellées dans le cadre de l’enquête. Il est donc possible que le ministre de la Justice interdise à Lieberman de siéger dans un nouveau gouvernement. Dans ce cas, comme l’a rapporté Yoel Marcus dans Ha’aretz, « soudainement, vous avez l’extrémiste Uzi Landau [le numéro deux de Yisrael Beteinu] qui devient ministre. » Une affaire à suivre et qui s’annonce riche en rebondissements…



12/02/2009
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