Espagne: Quand les "Indignés" se lèvent...
Depuis le 15 mai, le village des «Indignés» occupe la place centrale de Madrid. Un mouvement spontané de protestation contre la crise, le chômage et la «corruption» des politiciens. Deux semaines après, les participants sont persuadés que cette révolte ne restera pas sans suite.
"Si vous nous empêchez de rêver, on vous empêchera de dormir", lit-on sur une banderole à la sortie du métro à la Puerta del Sol. Et une multitude d'affiches tapissent la place: «Vous sauvez les banques, vous volez les pauvres», «Ce n'est pas une crise, c'est un hold-up». Depuis deux semaines une grande protestation pacifique campe sur le lieu emblématique du coeur de Madrid, comme au centre de la plupart des grandes villes espagnoles. «Pourvu que ça dure!», a griffonné un enthousiaste. Et c'est là toute la question. Cet après-midi, une assemblée générale va débattre de l'avenir du mouvement. À Barcelone, la violence de la charge policière pour évacuer les protestataires vendredi, a remobilisé les troupes qui commençaient à se disperser. Et elle a déclenché les alarmes. Va-t-il se passer la même chose à Madrid? Faut-il abandonner la place ou bien rester pour protester contre la brutalité de la police? Et pour combien de temps? Ou bien faut-il continuer les mobilisations ailleurs? Bref, que va devenir ce «Printemps espagnol» que personne n'attendait?
Un mouvement spontané
Tout a commencé, le 15mai dernier. Ce jour-là, ils sont des dizaines de milliers à manifester à Madrid et dans une quinzaine d'autres villes espagnoles. Ils répondent à un appel lancé sur internet sous le mot d'ordre: «Nous ne sommes pas des marchandises aux mains des politiques et des banquiers». Étudiants, chômeurs, travailleurs précaires, sont au coude à coude rassemblés par la même indignation. Ils sont eux-mêmes surpris du nombre. Dans l'euphorie, une centaine de manifestants décide d'occuper les lieux. La Puerta del Sol, kilomètre zéro des cartes espagnoles, devient le kilomètre zéro de la révolte de «los Indignados», les Indignés.
Un village autogéré
Au fil des jours, un village autogéré s'installe en plein Madrid. Avec ses cantines alimentées par les dons, ses postes d'infirmerie, sa garderie, son atelier menuiserie, qui bricole un mobilier 100% récupération et recyclage, son espace yoga et son potager. Encadré par des volontaires qui veillent à ce que la protestation pacifique ne se transforme pas en fête alcoolisée. Les débats et assemblées se succèdent. Sous les bâches bleues qui protègent des averses et du soleil les campeurs voient défiler des sympathisants. Jeunes et moins jeunes, familles surendettées, chômeurs en fin de droits, retraités solidaires... Tous racontent leur ras-le-bol. Une phrase revient: «Il était temps que ça éclate».
Un pays en crise profonde
Il faut dire que l'Espagne est particulièrement touchée par la crise. Le gouvernement socialiste de José Luis Rodriguez Zapatero a été contraint de mettre en place un plan de rigueur draconien sous la pression des marchés financiers. Le pays compte cinq millions de chômeurs, soit 21% de la population active et 43% des jeunes sont sans emploi. Une génération sacrifiée, disent les sociologues. «Condamnée à une adolescence perpétuelle» raconte Lucia, une Indignée de 28 ans qui a posé son sac de couchage dès les premiers jours. «On doit accepter comme un privilège des contrats précaires payés une misère, accepter de se retrouver à la rue six mois plus tard et recommencer... On apprend à vivre sans projets». Depuis hier, le mouvement a commencé à se déployer en assemblées à travers les quartiers de Madrid. Une façon de préparer la fin du campement de la Puerta del Sol alors que les commerçants alentours protestent contre ce voisinage encombrant et que les autorités régionales demandent l'évacuation.
«On a déjà gagné»
«Notre temps d'installation sur la place a forcément une durée limitée» reconnaît Juan, l'un des portes-paroles des mobilisations. Le défi, maintenant, est d'imaginer la suite. "Quoi qu'il arrive, on a, déjà gagné", affirme-t-il. "On a levé les enthousiasmes. C'est un début magnifique. Je suis sûr que lorsque le campement se lèvera, le mouvement lui continuera".
"Il y a un désir mimétique du Printemps arabe chez les jeunes européens"
Pour la sociologue Cécile Van de Velde, il ne faut pas «minimiser l’impact potentiel» des manifestations à travers l’Europe. Cécile Van de Velde est sociologue, maître de conférence, à l’EHESS, spécialiste de la jeunesse et des politiques publiques en Europe.
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