ISRAEL CRIMINELLE DE GUERRE : Des soldats israéliens évoquent une guerre sans retenue à Gaza
JERUSALEM - Des soldats israéliens ayant participé à la guerre de Gaza ont rapporté avoir eu pour instructions de "tirer d'abord" et de ne se soucier qu'ensuite de savoir si c'était contre des civils, rapporte l'ONG "Breaking the silence" que Tsahal accuse de s'être fondée sur des "racontars".
Accusé par Amnesty International, Human Rights Watch et l'Onu d'avoir causé des pertes civiles et des destructions injustifiables en décembre et janvier dans le territoire palestinien, Israël a toujours rejeté ces mises en cause.
Plusieurs soldats de Tsahal ayant participé à cette opération affirment à présent que leurs chefs les ont incités à tirer d'abord et à ne se préoccuper qu'ensuite de distinguer les combattants des civils. En conséquence, témoignent-ils, leurs forces se sont ruées dans le territoire enclavé sans retenir leurs tirs.
Selon ces trente soldats, dont les témoignages anonymes ont été recueillis par "Breaking the Silence", la priorité de l'armée était de minimiser ses pertes afin de s'assurer du soutien populaire israélien à l'opération, contrairement à ce qui s'est passé au Liban à l'été 2006.
"Mieux vaut atteindre un innocent qu'hésiter à viser un ennemi": c'est en ces termes qu'un soldat résume la façon dont il a compris les instructions répétées durant les briefings préliminaires et pendant l'intervention, qui a duré 22 jours.
"Dans le doute, tuez. La puissance de feu était insensée. On arrivait et les explosions étaient hallucinantes. Dès l'instant où on arrivait à nos positions, on commençait à tirer sur tout ce qui était suspect", raconte un autre.
Tsahal a, dans un long communiqué, démenti les accusations "mensongères et diffamatoires, mélangeant rumeurs et on-dit".
"La plupart de ces témoignages sont anonymes et manquent de tout détail précis permettant à la Force de défense israélienne (IDF) d'enquêter et de les confirmer ou de les réfuter", dit ce communiqué.
DES SOLDATS TENUS AU MUTISME
L'armée "regrette qu'une nouvelle organisation de défense des droits de l'homme présente à Israël et au monde un rapport fondé sur des témoignages anonymes et généraux", sans avoir eu la "décence minimale" de lui soumettre auparavant aux fins de vérifications.
L'ONG dispose de financements de la part d'associations israéliennes de défense des droits de l'homme ainsi que des gouvernements britannique, néerlandais et espagnol et de l'Union européenne.
A l'exception d'un sergent prénommé Amir, l'ensemble des soldats parlent sous l'assurance de l'anonymat et leurs visages sont floutés dans les témoignages filmés. La transcription des propos est disponible sur le site www.breakingthesilence.org.il.
L'armée israélienne, qui repose essentiellement sur la conscription, interdit formellement à ses soldats de parler aux médias. Le rapport de 112 pages de "Breaking the Silence" contient le témoignage de trente soldats "ayant servi dans tous les services impliqués dans l'intervention".
"La majorité (...) sont encore en service dans leurs unités et, profondément alarmés par la dégradation morale de l'IDF, se sont tournés vers nous. (Leurs témoignages) suffisent à mettre en doute la crédibilité de la version officielle de l'armée", peut-on lire dans ce document.
Selon une ONG palestinienne, le bilan des combats côté palestinien s'est établi à 1.417 tués, dont 926 civils. Tsahal parle de 1.166 morts dont 295 civils. Côté israélien, dix soldats et trois civils ont péri.
Des rues entières de Gaza ont été rasées pour réduire le risque des tireurs embusqués et des pièges explosifs. Selon les Nations unies, les quelque 600.000 tonnes de gravats commencent à peine à être déblayées, six mois après la fin de l'opération.
DES "INCIDENTS ISOLÉS"
Dans son communiqué, l'armée rejette ces critiques, mais s'engage à enquêter en cas de plainte formelle pour exactions, tout en assurant que ses militaires ont respecté le droit international.
Le ministre israélien de la Défense, le travailliste Ehud Barak, a estimé pour sa part que l'IDF était "la plus morale des armées du monde" et qu'elle se comportait "conformément aux plus hautes normes éthiques".
Le long communiqué de Tsahal reconnaît toutefois "des cas isolés où du tort non intentionnel a été causé à des non-combattants à la suite d'erreurs opérationnelles", que l'armée affirme inévitables dans "des combats complexes et difficiles".
Plusieurs soldats décrivent une procédure de fouille de maisons où des civils étaient forcés à entrer dans des bâtiments suspects devant les soldats. Ils citent plusieurs cas dans lesquels des civils devaient s'avancer tandis qu'un militaire, derrière lui, reposait son fusil sur son épaule.
"Nous n'avons jamais utilisé aucun civil comme bouclier humain", a rétorque à Radio Israël un porte-parole de Tsahal, le colonel Avi Peled. Il assuré que les témoignages sur ce point ne sont que des choses dont les soldats ont entendu parler.
Le rapport évoque également l'emploi sans discernement de munitions incendiaires au phosphore blanc dans les rues de Gaza - ce que Tsahal dément -, des "destructions massives ne répondant à aucune menace directe" et des règles d'engagement "permissives".
"On ne nous disait pas de tirer sur tout ce qui bouge. Mais la consigne générale était : si vous vous sentez menacés, tirez. Ils n'arrêtaient pas de nous dire que c'était la guerre et que, à la guerre, on fait feu à volonté", se souvient un soldat.
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