L’incendie tunisien" se propage au pays des pharaons
Comme les experts l’avaient prévu le "grand incendie" qui s’est déclenché en décembre en Tunisie se propage à l'Egypte. Le 25 janvier, Le Caire et une dizaine d’autres villes ont été touchées par une vague de manifestations, qui se poursuivent, contre le gouvernement du président Hosni Moubarak, la stagnation, le retard social, la pauvreté et tous les maux caractéristiques de la majorité des pays arabes d’Afrique du Nord. Globalement, sans compter le défilé dans le centre du Caire, il s’agit d’"éruptions" isolées, d’indignations locales de jeunes, d’étudiants, de chômeurs, de femmes et même de supporters.
En fait, l’Egypte a déjà vécu de pareils troubles en 2005 et 2008. Mais à l’époque à une échelle moins importante: il y avait des actions contre la pauvreté et la famine, mais elles ont été rapidement et efficacement réprimées.
Aujourd’hui, selon les estimations, le nombre de manifestants atteint plusieurs dizaines de milliers de personnes. Ce n’est pas rien. Au départ, les autorités du pays des pharaons ont mollement réagi à la manifestation de colère des citoyens, audacieuse et inhabituelle pour l'autoritaire régime égyptien. Au début la police ne dispersait pas la foule des manifestants. Mais la confusion n’a pas duré longtemps, et la réaction était prévisible. Résultat: quatre morts.
Pour l’Egypte qui vit depuis près de 30 ans dans une "camisole de force", où en mai 2010 l’état d’urgence a été levé seulement en partie (il a été instauré en 1981, juste après le meurtre du président Anouar El-Sadate), les actions de protestation sont un syndrome d’autant plus inquiétant qu’en septembre l’élection présidentielle s’y tiendra. Et il était question (avant les émeutes) du remplacement de Moubarak.
Et voici que des milliers de personnes descendent dans la rue en scandant "Moubarak, l’Arabie Saoudite t’attend" (l’ancien président tunisien, Zine Al-Abidine Ben Ali, s’est réfugié en Arabie Saoudite) ou "Dégage! La révolution jusqu’à la victoire!"
Il n’y aura pas de "seconde Tunisie" en Egypte
L’Egypte n’est pas la Tunisie. Ce pays de plus de 80 millions de personnes est le leader du monde arabe sur tous les plans, que ce soit géographique, stratégique, démographique, politique ou économique.
Il donne le "tempo" à tout le Proche-Orient. C’est une sorte de baromètre régional. Si l’Egypte est en difficulté, tout le monde l’est.
On pourrait difficilement s’attendre à quelque chose de similaire à la révolution-éclair du jasmin en Tunisie. Il ne faut pas comparer Ben Ali et Hosni Moubarak, il ne faut pas comparer l’incomparable. Il est nécessaire de posséder des qualités particulières pour rester au pouvoir pendant 30 ans, avec un cocktail de dictature, de tyrannie, de rigueur, de souplesse, en d’autres termes de ruse et d’intuition politique, de connaissance du caractère national et de flair. Ajouté à cela une grande notoriété internationale. Moubarak possède toutes ces qualités, et il est soutenu par une puissante machine de répression: la police et l’armée.
De plus, il bénéficie d’un important soutien étranger. L’Egypte est tout de même le second bénéficiaire, après Israël, de l’aide économique et militaire des Etats-Unis, près de 3 milliards de dollars par an. Et les Etats-Unis, qui sont nés d’une révolte et d’une révolution, n’apprécient guère les révolutions chez leurs alliés. A plus forte raison si elle a lieu au Caire.
Il serait même douloureux d’imaginer ce qui arriverait au Proche-Orient si l’Egypte "tombait" dans la mer de la "révolution", "baignant" dans l’instabilité qui survient généralement par la suite. Les conséquences seraient graves pour tous. Ce serait la montée pratiquement assurée de l'islamisme et de l'anti-occidentalisme; la poursuite de l’isolement d'Israël (l’Egypte est le principal partenaire et pacificateur dans la région) et l’effondrement total du processus de paix (bien qu’on soit déjà au bord du gouffre); la poursuite de la radicalisation de l’Iran.
La Secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton a déclaré immédiatement après les manifestations que les Etats-Unis comptaient sur la sagesse de l’Egypte et que, selon les estimations américaines, "le gouvernement égyptien est stable et tiendra compte des besoins et des intérêts légitimes du peuple égyptien." La Secrétaire d’Etat avait tenu un discours similaire avant l’explosion en Tunisie.
Le "pharaon" Moubarak est-il éternel?
Le mois d’octobre 2011 marquera le trentième anniversaire du "règne" de Hosni Moubarak âgé de 82 ans. Il a déjà battu le record de Leonid Brejnev (18 à la tête de l’URSS) et même du président Mao Zedong (27 ans au service de la Chine). En termes de durée, c’est un mandat dynastique, et le "pharaon" (c’est ainsi que la population égyptienne appelle parfois son président) a déjà préparé son fils cadet Gamal âgé de 41 ans à lui succéder. Il a été nommé à un poste important au sein de la direction du Parti national démocratique au pouvoir et est conseiller économique principal de son père.
Mais à présent, ces plans devront très probablement être revus.
Avec toute son aptitude à hériter le pouvoir, Gamal n'incarne pas "l’extincteur" capable d’éteindre le feu qui commence à se propager en Egypte.
En principe, Gamal convient de par sa formation et son âge. Et l’expression "pouvoir népotique" très mal appréciée dans les démocraties occidentales n’a rien de négatif en Orient. C’est le cas en période stable. Mais transmettre le pouvoir dynastique à l’héritier lorsque le mauvais temps se profile à l’horizon est très dangereux. Il est même très probable que Moubarak refuse de se présenter à la présidentielle cet automne. Pour l’instant il n’a dit ni oui, ni non.
La région subit actuellement des changements, très certainement provoqués par "l’incendie tunisien." Par exemple, la Syrie, après le soulèvement en Tunisie, a annoncé la création d’un fonds social d’aide aux pauvres et aux chômeurs de 300 millions de dollars. Ce projet était discuté depuis une dizaine d’année, et soudainement il a été mis en œuvre. Grâce à ce fonds, chaque famille en difficulté recevra entre 12 et 35 dollars pour le chauffage. En Jordanie, le gouvernement prépare également un programme d’aide sociale aux pauvres.
Les dictateurs aguerris (en Lybie), les premiers ministres en difficulté et les monarques du monde arabe perçoivent les événements récents en Tunisie avec anxiété. C’est tout de même la première fois que le dictateur d’un pays arabe a été reversé par la population locale et non pas par les islamistes ou les ennemis extérieurs (l’Occident ou les Etats-Unis), souvent utilisés par les gouvernements pour effrayer la population afin de ne pas être inquiétés par cette dernière. La Tunisie est d’ailleurs l’un des Etats les plus laïcs du Maghreb.
Désormais c’est vers l’Egypte que les regards se portent avec anxiété. Car si l’incendie se déclarait en Egypte, il se propagerait partout.
En fait, l’Egypte a déjà vécu de pareils troubles en 2005 et 2008. Mais à l’époque à une échelle moins importante: il y avait des actions contre la pauvreté et la famine, mais elles ont été rapidement et efficacement réprimées.
Aujourd’hui, selon les estimations, le nombre de manifestants atteint plusieurs dizaines de milliers de personnes. Ce n’est pas rien. Au départ, les autorités du pays des pharaons ont mollement réagi à la manifestation de colère des citoyens, audacieuse et inhabituelle pour l'autoritaire régime égyptien. Au début la police ne dispersait pas la foule des manifestants. Mais la confusion n’a pas duré longtemps, et la réaction était prévisible. Résultat: quatre morts.
Pour l’Egypte qui vit depuis près de 30 ans dans une "camisole de force", où en mai 2010 l’état d’urgence a été levé seulement en partie (il a été instauré en 1981, juste après le meurtre du président Anouar El-Sadate), les actions de protestation sont un syndrome d’autant plus inquiétant qu’en septembre l’élection présidentielle s’y tiendra. Et il était question (avant les émeutes) du remplacement de Moubarak.
Et voici que des milliers de personnes descendent dans la rue en scandant "Moubarak, l’Arabie Saoudite t’attend" (l’ancien président tunisien, Zine Al-Abidine Ben Ali, s’est réfugié en Arabie Saoudite) ou "Dégage! La révolution jusqu’à la victoire!"
Il n’y aura pas de "seconde Tunisie" en Egypte
L’Egypte n’est pas la Tunisie. Ce pays de plus de 80 millions de personnes est le leader du monde arabe sur tous les plans, que ce soit géographique, stratégique, démographique, politique ou économique.
Il donne le "tempo" à tout le Proche-Orient. C’est une sorte de baromètre régional. Si l’Egypte est en difficulté, tout le monde l’est.
On pourrait difficilement s’attendre à quelque chose de similaire à la révolution-éclair du jasmin en Tunisie. Il ne faut pas comparer Ben Ali et Hosni Moubarak, il ne faut pas comparer l’incomparable. Il est nécessaire de posséder des qualités particulières pour rester au pouvoir pendant 30 ans, avec un cocktail de dictature, de tyrannie, de rigueur, de souplesse, en d’autres termes de ruse et d’intuition politique, de connaissance du caractère national et de flair. Ajouté à cela une grande notoriété internationale. Moubarak possède toutes ces qualités, et il est soutenu par une puissante machine de répression: la police et l’armée.
De plus, il bénéficie d’un important soutien étranger. L’Egypte est tout de même le second bénéficiaire, après Israël, de l’aide économique et militaire des Etats-Unis, près de 3 milliards de dollars par an. Et les Etats-Unis, qui sont nés d’une révolte et d’une révolution, n’apprécient guère les révolutions chez leurs alliés. A plus forte raison si elle a lieu au Caire.
Il serait même douloureux d’imaginer ce qui arriverait au Proche-Orient si l’Egypte "tombait" dans la mer de la "révolution", "baignant" dans l’instabilité qui survient généralement par la suite. Les conséquences seraient graves pour tous. Ce serait la montée pratiquement assurée de l'islamisme et de l'anti-occidentalisme; la poursuite de l’isolement d'Israël (l’Egypte est le principal partenaire et pacificateur dans la région) et l’effondrement total du processus de paix (bien qu’on soit déjà au bord du gouffre); la poursuite de la radicalisation de l’Iran.
La Secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton a déclaré immédiatement après les manifestations que les Etats-Unis comptaient sur la sagesse de l’Egypte et que, selon les estimations américaines, "le gouvernement égyptien est stable et tiendra compte des besoins et des intérêts légitimes du peuple égyptien." La Secrétaire d’Etat avait tenu un discours similaire avant l’explosion en Tunisie.
Le "pharaon" Moubarak est-il éternel?
Le mois d’octobre 2011 marquera le trentième anniversaire du "règne" de Hosni Moubarak âgé de 82 ans. Il a déjà battu le record de Leonid Brejnev (18 à la tête de l’URSS) et même du président Mao Zedong (27 ans au service de la Chine). En termes de durée, c’est un mandat dynastique, et le "pharaon" (c’est ainsi que la population égyptienne appelle parfois son président) a déjà préparé son fils cadet Gamal âgé de 41 ans à lui succéder. Il a été nommé à un poste important au sein de la direction du Parti national démocratique au pouvoir et est conseiller économique principal de son père.
Mais à présent, ces plans devront très probablement être revus.
Avec toute son aptitude à hériter le pouvoir, Gamal n'incarne pas "l’extincteur" capable d’éteindre le feu qui commence à se propager en Egypte.
En principe, Gamal convient de par sa formation et son âge. Et l’expression "pouvoir népotique" très mal appréciée dans les démocraties occidentales n’a rien de négatif en Orient. C’est le cas en période stable. Mais transmettre le pouvoir dynastique à l’héritier lorsque le mauvais temps se profile à l’horizon est très dangereux. Il est même très probable que Moubarak refuse de se présenter à la présidentielle cet automne. Pour l’instant il n’a dit ni oui, ni non.
La région subit actuellement des changements, très certainement provoqués par "l’incendie tunisien." Par exemple, la Syrie, après le soulèvement en Tunisie, a annoncé la création d’un fonds social d’aide aux pauvres et aux chômeurs de 300 millions de dollars. Ce projet était discuté depuis une dizaine d’année, et soudainement il a été mis en œuvre. Grâce à ce fonds, chaque famille en difficulté recevra entre 12 et 35 dollars pour le chauffage. En Jordanie, le gouvernement prépare également un programme d’aide sociale aux pauvres.
Les dictateurs aguerris (en Lybie), les premiers ministres en difficulté et les monarques du monde arabe perçoivent les événements récents en Tunisie avec anxiété. C’est tout de même la première fois que le dictateur d’un pays arabe a été reversé par la population locale et non pas par les islamistes ou les ennemis extérieurs (l’Occident ou les Etats-Unis), souvent utilisés par les gouvernements pour effrayer la population afin de ne pas être inquiétés par cette dernière. La Tunisie est d’ailleurs l’un des Etats les plus laïcs du Maghreb.
Désormais c’est vers l’Egypte que les regards se portent avec anxiété. Car si l’incendie se déclarait en Egypte, il se propagerait partout.
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