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Les Arabes veulent voir partir Kadhafi, se méfient de l'Occident

BEYROUTH - L'appel de Mouammar Kadhafi à la solidarité n'a trouvé aucun écho dimanche parmi ses pairs arabes, mais ceux-ci se méfient ouvertement des mobiles qui animent la coalition militaire occidentale qui s'est attaquée la veille à son régime.

Sous la houlette de Paris, Washington et Londres, et forts d'une demande de la Ligue arabe et d'un mandat des Nations unies, les Occidentaux ont lancé dimanche la plus importante attaque contre un pays arabe depuis l'invasion de l'Irak, en mars 2003.

Quelques heures après les premières frappes aériennes contre son pays, Kadhafi a invité "les citoyens des nations arabes et islamiques" et d'autres pays en voie de développement à "se tenir au côté du peuple libyen héroïque face à cette agression".

Mais les pays arabes, du Maghreb au Machrek, où les peuples réclament pourtant pour la première fois à cor et à cri des droits politiques, ont fait la sourde oreille à l'appel d'un dirigeant imprévisible et fantasque qui met depuis plus de 40 ans leur patience à rude épreuve.

"Il est désormais clair et compréhensible que les Arabes veulent se débarrasser de leurs dirigeants, aussi ceux-ci doivent-ils simplement partir et ne pas s'opposer à leurs peuples ou amener des pays étrangers à s'ingérer", déclare Mohamed Abdel Motaleb, un employé de banque cairote.

"C'EST HONTEUX!"

"Je suis vraiment contre le fait que des troupes étrangères combattent en Libye, mais les leaders arabes ne devraient pas leur offrir cette possibilité par leur obstination et leur refus de quitter le pouvoir", ajoute ce citoyen d'un pays où la révolution a eu raison le 11 février de 30 ans de pouvoir de Hosni Moubarak.

Selon un responsable du gouvernement libyen, une soixantaine de civils ont été tués en moins de 24 heures dans les raids occidentaux. Amr Moussa, secrétaire général de la Ligue arabe, a souligné que celle-ci avait approuvé l'instauration d'une zone d'exclusion aérienne dans le ciel libyen, mais jamais des attaques contre des civils libyens.

Moussa avait souligné, dès vendredi, que la résolution de l'Onu avait pour "objectif de protéger les populations civiles, pas d'envahir ou d'occuper" la Libye, et avait demandé "aux deux camps de ne pas aller trop loin".

Aujourd'hui, il organise une nouvelle réunion extraordinaire de la Ligue sur la situation en Libye, conscient que le recours aux forces occidentales heurtent la vieille fierté arabe que les révolutions réussies de Tunisie et d'Egypte ainsi que les révoltes en cours au Yémen et au Bahreïn ont ravivée.

Même s'ils souhaitent à un rare degré d'unanimité le départ de Kadhafi, certains Arabes s'offusquent également de voir l'intervention occidentale ternir l'image de la révolution du peuple libyen. "Qui peut accepter que des pays étrangers attaquent un pays arabe? C'est honteux", s'étrangle le militant yéménite des droits de l'homme Bachir Osmane.

"QUELLE DIFFÉRENCE ENTRE KHALIFA ET KADHAFI?"

La méfiance envers les mobiles de l'Occident se nourrit également des soupçons voulant que celui-ci soit plus intéressé par le pétrole de la région arabe que par les aspirations de ses peuples.

"Ils frappent la Libye à cause du pétrole, pas pour protéger les Libyens", assure Ali Al Djassem, un quinquagénaire bahreïni du village de Sitra, un des foyers de la rébellion de la majorité chiite contre la dynastie sunnite des Khalifa, au pouvoir depuis plus de deux siècles.

Ibrahim Mattar, un des responsables du parti chiite bahreïni Wefak, se demande pourquoi l'Occident se permet d'intervenir contre Kadhafi alors qu'il laisse ses alliés du Golfe intervenir au Bahreïn pour réprimer la révolte chiite, qui a fait 11 morts.

"Bombarder Kadhafi est un pas dans la bonne direction, mais fermer les yeux sur le massacre de protestataires innocents à Bahreïn est un pas dans la mauvaise direction", affirme un vendeur d'appareils électriques dans le quartier de Karrada, à Bagdad.

Le chef du puissant mouvement chiite libanais Hezbollah, Hassan Nasrallah, a souligné, lui aussi, le décalage entre le soutien aux révoltes en Egypte et en Libye et le silence devant la répression au Bahreïn.

"Quelle différence y a-t-il entre le régime d'Al Khalifa et ceux de Moubarak et de Kadhafi?" s'est-il interrogé dimanche lors d'une intervention télévisée.

Une des grandes différences entre Kadhafi et les autres régimes arabes, aussi autoritaires soient-il, est que l'impétueux colonel a réussi à se mettre la plupart des dirigeants arabes à dos en plus de 41 ans de pouvoir.



20/03/2011
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