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Les notes de la DST sur Guantanamo

 Peut-on agir n’importe comment en matière judiciaire, même au nom de la lutte antiterroriste ? Telle est la question posée par le procès intenté du 3 au 12 décembre contre les six Français Guantanamo...

Egarés en Afghanistan, en 2001, internés à Guantanamo plus de 30 mois, poursuivis en France pour "association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste", suite à une longue instruction menée par les juges Jean-Louis Bruguière et Jean-François Ricard.

Or il apparaît que cette instruction a été nourrie au principal par des informations recueillies lors d’interrogatoires secrets des prévenus, conduits dans le camp d’internement par des policiers français.

Le 1er juillet 2006 une note diplomatique publiée par Libération a confirmé que les six de Guantanamo avaient bien reçu la visite d’envoyés français, parmi lesquels des policiers de la DST.

Les avocats avaient protesté contre cette atteinte à l’équilibre des parties dans le débat contradictoire. Le 27 septembre 2006, le Président Kross a renvoyé le procès pour complément d’information avec demande de déclassification des notes et des rapports de la DST, demande obtenue fin décembre 2006.

C'est un extrait de ces documents que nous vous proposons de télécharger, pour évaluer la portée de cet épineux problème juridique.

La position des officiers de la DST est curieuse. D’abord, ils ont affirmé qu’ils n’y avaient pas été. Puis, que ces informations relevaient du simple renseignement et n’avaient pas été utilisées contre les français et que les notes diplomatiques se référaient à des informations couvertes par le Secret défense. Le parquet a soutenu pour prévenus.
Sous couvert d’action humanitaire, trois missions françaises se sont succédées à Guantanamo, en février et mars 2002, et en avril 2004. À ces Français qui déclaraient vouloir les sortir de l’enfer, les internés ont répondu de façon très complète, le plus souvent avec candeur.

 Un diplomate français a reconnu la présence des « agents des services du ministère de l’Intérieur, [ chargés de ] nous aider à identifier les détenus et informer leurs familles». Le diplomate se retranchait derrière le secret-défense dès lors qu’il s’agissait d’expliquer pourquoi son message mentionnait des «fiches d’interrogatoires». Lui ont succédé deux membres de la DST.

DSTLouis Caprioli sous-directeur à l’époque de la DST en charge à l'époque de l'antiterrorisme, a déclaré ne pas avoir idée de ce que signifiaient «les fiches d’interrogatoires » mentionnées dans le document et que ses agents ont agi dans le cadre «d’une mission de renseignement» qui n’aurait rien à voir avec le travail judiciaire réalisé par son service sur les mêmes «clients». Son subordonné s’est aligné sur cette position. 

Or la signature de ce dernier figure au bas d’un procès verbal de police judiciaire qui reprend pratiquement mot à mot les termes d’un rapport signé par Louis Caprioli,  synthétisant les renseignement détaillées sur les personnes rencontrées. Il est clair que dans leur totalité les soi-disant renseignements recueillis dans la geôle américaine ont été ensuite intégrés dans les procès verbaux qui ont alimenté l’instruction.

Ainsi, on change de casquette. On passe du renseignement à la PJ sans sourciller. À l’audience, la procureure de la République, Sonya Djemni-Wagner a soutenu qu’à la DST une frontière étanche sépare les missions de renseignement et de police judiciaire. Et que, d’ailleurs, les officiers de police judiciaire sont peu nombreux.

Ces deux assertions sont inexactes. Au sein de sections spécialisées, ce sont les mêmes officiers – tous qualifiés pour la police judiciaire - qui sont chargés du renseignement et des dossiers de police judiciaire.

Malgré les efforts du parquet pour soutenir que les éléments recueillis à Guantanamo n’ont pas été retenus contre les prévenus, que tout provient des interrogatoires en garde-à-vue et de l’instruction menée par les juges Jean.Louis Bruguière et Jean-François Ricard, tout au long des débats, le Président Kross n’a cessé de se référer à ces éléments déclassifiés et de les lire dans le détail. Les avocats ont foncé dans la brèche.

Et il est clair que les « conversations de Guantanamo » ont beaucoup plus nourri les dossiers de la DST que sa banque de données informatiques. Pire, il apparaît que les informations recueillies par ailleurs sont hasardeuses, parfois inexactes, non vérifiées. La banque de données de la DST, "c’est une sorte de Wikipedia", s’est exclamé un des avocats. On peut l’alimenter sans contrôle et personne n’est responsable.

Or un principe fondamental du droit français, la loyauté est prescrite par l’article 19 du code de procédure pénale, et sanctionnée par de nombreux arrêts de jurisprudence. Non sans logique, un des prévenus a dénoncé avec véhémence  une "tricherie"."Les éléments à charge ont été obtenus en violation du Droit", s’indigne Philippe Meilhac, l’avocat de Khaled Ben Mustapha.

Particulièrement en violation des Droits de la Défense, qui permet à tout individu se trouvant dans une situation où il est interrogé étant détenu ou retenu, de bénéficier de droits élémentaires de procédure (au moins être informé de la qualité et du cadre juridique dans lequel interviennent ses interlocuteurs, être avisé de ses droits, dont celui de se taire, de consulter un avocat, de voir un médecin).

Ce débat pose le problème de l’ambiguïté du statut de la DST : service de renseignement ? Service de police judiciaire ? Ou le tout mélangé ?



21/05/2008
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