Brice Hortefeux ne serait-il pas devenu un peu mou du genou ? En effet, lorsque le ministre de l’Intérieur déclare, le 27 avril, que le mari de la conductrice verbalisée pour le port du voile intégral au volant est un polygame qui n’a pas sa place en France, il se montre particulièrement modéré. Au vu en tout cas de la note accablante de six pages pondue par l’ancien service des Renseignements Généraux (RG)
C’est que Lies Hebbadj se révèle être un sacré tartuffe. Ce grand rigoriste apparaît, dans sa vie personnelle, comme bien peu respectueux des règles élémentaires de la morale.
À la tête d’une boucherie halal, d’un magasin de taxiphonie et d’un commerce de produits alimentaires de gros, ce petit entrepreneur, né en 1975 à Alger, gère ses affaires comme le pire des marchands de sommeil : « On note qu’en 2005, écrivent les flics de la sous direction de l’information générale, un contrôle URSSAF (…) avait permis de mettre en évidence l’emploi dissimulé de plusieurs salariés de M. Hebbadj. À l’époque, celui-ci déposait régulièrement des déclarations préalables d’embauche. Il n’était pas à jour des cotisations et employait des salariés ayant le statut d’étranger avec des récépissés valables quelques mois, donc en situation précaire, quand il ne s’agissait pas d’étrangers malades ». Et cela sans parler du redressement fiscal de 17 324 euros dont il a dû s’acquitter. Autant de dérives sur lesquelles mettre un voile !
La plus grave des accusations des RG concerne la vie privée de Lies Hebbadj. La police n’est d’ailleurs pas la seule à dénoncer son comportement détestable. Même les militants des Jeunes Musulmans de France (JMF), ce mouvement rattaché aux fondamentalistes de l’UOIF, se sont inquiétés dans le passé de ses agissements. Au point de rendre visite à la mère d’une mineure séduite par Lies Hebbadj : « Hebbadj est le sheitan [le diable, ndlr] en personne », ont prévenu ces jeunes musulmans.
Ce « diable » d’Hebbadj montre effectivement dans ses relations amoureuses une certaine rudesse, tempérée par son goût pour l’exotisme, lorsqu’il présente, lors de voyages dans le Golfe, de riches hommes d’affaires à ses jeunes conquêtes. Le document des ex-RG décrit la situation de plusieurs de ses compagnes, actuelles et passées.
Nina G, dite Nisrin À dix-huit ans, Nina G. devient « l’épouse religieuse » d’Hebbadj et donne naissance à un garçon. Après trois ans de vie plus ou moins commune, son mari lui présente, lors d’un voyage aux Émirats Arabes Unis, un ami avec lequel elle vit désormais. Seulement voilà, Hebbadj a conservé la carte bancaire de sa dulcinée, son chéquier et sa pièce d’identité. D’où la plainte, en 2007, de la pauvre Nina, chez les gendarmes, contre son ancien compagnon. D’où aussi le blog qu’elle tient la même année à la rubrique « soeurs nantaises ». « Elle y décrit, notent les flics, son endoctrinement, son “mariage” dans l’arrière-boutique de la librairie de l’intéressé, en présence de personnes qu’elle ne connaissait pas. (…) Ses conditions de vie, les coups reçus d’Hebbadj. »
- Sonia Y. Cette autre épousée est retrouvée errante, dans les rues de Nantes, en juin 2004, vers minuit, sans papiers, ni argent, mais avec le voile sur le visage. La jeune femme est enceinte. « Mon mari, explique-t-elle, voulait me faire avorter en me rouant de coups. » Entendu par les services de police, Hebbadj reconnaît l’existence d’une dispute en raison d’un désaccord sur le fait de garder cet enfant. Aucune plainte ne sera déposée.
- Yona I. Notre saint homme est mis en cause pour avoir emmené une jeune mineure voilée à Dubaï, Yona I., sans le consentement des parents, qui portent plainte. Un projet de mariage religieux avec Lies Hebbadj naîtra de cette échappée. La fiche RG ne dit pas s’il sera couronné de succès.
- Sandrine M. La désormais célèbre Sandrine M., verbalisée au volant de sa voiture et mère de quatre enfants, touche l’allocation de soutien familial. Le « soutien » financier de son « mari religieux », patron de trois PME, aurait-il été insuffisant ?
On comprend que le cas Hebbadj embarrasse la communauté musulmane. Le Conseil français du culte musulman (CFCM), regroupant les diverses sensibilités de l’islam de France, dont les fondamentalistes de l’UOIF qui ont la main sur les mosquées de Nantes, s’est fendu d’un timide communiqué pour se désolidariser de ce musulman si peu musulman. Tariq Ramadan, en se rendant sur place, s’est contenté de dénoncer ce ministre de l’Intérieur qui « trahit les valeurs de la France ». Un peu court.
Alors que s’annonce le débat brûlant sur l’interdiction de la burqa, les musulmans doivent lâcher leurs brebis galeuses.