C’est la saison des primaires au sein des partis politiques israéliens. Objectif : sélectionner en interne les candidats qui se présenteront aux législatives du 10 février 2009 pour entrer à la Knesset, le Parlement israélien. Et quel triste spectacle !
La primaire du Parti travailliste a eu lieu le 4 décembre dernier et s’est soldée par un fiasco total. Les machines à voter, utilisées pour la première fois, ont planté et le scrutin a du être annulé puis réorganisé deux jours plus tard avec de bons vieux bulletins papier. Pour les médias israéliens cette primaire ratée symbolise la chute du parti d’Ehud Barak qui ne manquera pas de se traduire par un échec aux élections de février. Selon la presse, les travaillistes peuvent espérer au mieux 11 sièges sur les 120 de la Knesset et au pire 6 sièges.
Le parti du Likoud, dirigé par Benyamin (« Bibi ») Netanyahu que tous les sondages désignent comme futur Premier ministre, a, lui, organisé ses primaires le 8 décembre dernier. Elles ont révélé d’inquiétantes fractures internes au sein de cette formation de droite. Le Likoud est en effet secoué par un vilain conflit entre Bibi Netanyahu et le tenant de l’extrême-droite de ce même parti, Moshe Feiglin. Âgé de 45 ans, ce dernier prône le « transfert » forcé des Israéliens arabes en Jordanie et l’exclusion des non-juifs de la citoyenneté israélienne. Une telle décision transformerait 20 % de la population israélienne actuelle en apatrides, à savoir tous les Arabes israéliens (près de 1,5 million de personnes) et les 5 % des habitants du pays qui sont chrétiens ou membres d’autres minorités religieuses et ethniques.
Férocement opposé aux accords d’Oslo
Moshe Feiglin est apparu au grand jour sur la scène politique et médiatique israélienne en 1993, en fondant le parti ultra-nationaliste Zo Artzeinu (« Notre pays »). C’était juste après que le parti d’extrême-droite Kach, du rabbin assassiné en 1990 à New York Meir Kahane, ait été banni de la Knesset pour « racisme ».
Le parti de Feiglin avait comme plateforme électorale une opposition féroce aux accords de paix d’Oslo de 1993. Feiglin a même passé six mois en prison pour « complot contre l’autorité de l’État » : il avait organisé des blocages d’autoroutes et autres manifestations de ce genre qui ont mal tourné pour protester contre ces accords. Mais ses échecs électoraux l’ont poussé à rejoindre le Likoud. Et, en 2005, il s’est présenté au leadership de celui-ci contre Netanyahu, remportant 12,5 % des voix. Il s’est représenté contre sa bête noire, « Bibi », en 2007 et a presque doublé son score avec 23,4 % des votes contre 72% pour Netanyahu.
En mars 2008, la Grande-Bretagne a interdit à Feiglin de poser le pied sur son territoire car, pour le gouvernement britannique, il « encourage et justifie les violences terroristes » et « prêche une haine raciale susceptible de provoquer des violences intercommunautaires au Royaume Uni ».
Aujourd’hui, en Israël, Feiglin est plus populaire que jamais grâce à ses chroniques dans le quotidien Maariv, ses fréquentes prestations télévisées et ses ouvrages. Il joue sur la peur du Hamas palestinien comme de l’Iran et soutien sans faille les colons juifs dans les Territoires Occupés où il prône l’expulsion des Palestiniens.
Attirer les électeurs d’extrême-droite
Il est à la tête d’une faction du Likoud très organisée, Manhigut Yehudit (« Leadership juif ») dont les plus de 7 000 membres (sur les 100 000 que compte le Likoud), très disciplinés, votent en bloc selon les consignes de Feiglin. Le dévouement de ses fidèles lors des primaires du 8 décembre lui a permis de passer des accords avec des candidats du Likoud à la Knesset qui n’appartiennent pas à l’extrême-droite mais recherchent son soutien. Feiglin a ainsi bâti une liste qu’il présente comme mixte. Son objectif est en effet de s’attirer les faveurs des électeurs d’extrême-droite sous couvert de candidats à la Knesset plus modérés.
Benyamin Netanyahu, qui caracole en tête de tous les sondages depuis des mois pour le poste de Premier ministre, a récemment essayé de se redonner une image plus « centriste » que son passé nationaliste ne le laisse entendre. Dans le même temps, et pour contrer Feiglin, il recrute sous la bannière du Likoud des candidats à la Knesset qui sont des « vedettes » de la politique israélienne.
Parmi ces nouvelles recrues, on retrouve des personnalités appréciées par la droite dure comme Benny Begin, le fils de l’ancien Premier ministre conservateur aujourd’hui décédé, Menachem Begin, ou Dan Meridor, un ancien ministre des gouvernements du Likoud qui a un temps déserté ce parti au bénéfice d’une formation centriste. Mais aussi Ze’ev Jabotinsky, le petit-fils et homonyme du leader de la milice extrémiste Irgoun et cofondateur du Likoud, réputé pour ses sympathies fascisantes ; ou encore l’ancien chef de l’armée israélienne, Moshe Yaalon, un faucon qui prône des frappes aériennes contre les centrales nucléaires iraniennes et qui, en 1996, a ordonné le massacre de Qana où 106 Libanais ont péri et 116 autres ont été gravement blessés. Tsahal avait alors délibérément bombardé un camp des Nations Unies où ils s’étaient réfugiés, tuant aussi quatre soldats de l’ONU.
Primaires folkloriques au Likoud
Avant la primaire interne au Likoud, Benyamin Netanyahu a appelé à battre Feiglin et les candidats de l’extrême-droite arguant du fait qu’ils pourraient nuire aux bonnes chances du Likoud de l’emporter aux prochaines législatives. Des sondages internes au parti ont en effet montré que si Feiglin et ses supporters décrochent des nominations, le parti pourrait perdre de 3 à 5 des 37 sièges qu’il espère gagner. Ce qui n’est toutefois pas assez pour remettre en cause sa victoire.
Pour ne rien arranger, la primaire du Likoud du 8 décembre a aussi connu de jolis déboires que n’aurait pas reniés le Parti travailliste : les pannes de machines à voter, le manque de bureaux de vote et les longues files d’attente devant ont découragé bon nombre de votants et le taux de participation n’a été que de 49 %. Le secrétaire général du Likoud, Gadi Arieli, s’est déclaré « attristé » (il a même dit « j’ai honte ») des failles du système dont il était responsable.
Les résultats de cette primaire ne sont pas sans conséquences négatives pour « Bibi » Netanyahu. S’il est arrivé en tête et son rival Feiglin en 20e position pour se présenter à la Knesset, des candidats de la droite dure comme Begin (arrivé 4e) et Yaalon (7e) figurent parmi les dix premiers. Un des candidats inscrit sur la liste de Feiglin, Gideon Sa’ar, est même second, derrière Netanyahu ! Sans surprise, ce résultat a permis au parti Kadima dirigé par Tzipi Livni de déclarer qu’il « est incontestable que le Likoud reste prisonnier de l’extrême-droite et que Benjamin Netanyahu appliquera son programme [celui de l’extrême-droite] ».
Tzipi Livni toujours affaiblie politiquement
La principale concurrente de « Bibi » lors des législatives de février reste toutefois Tzipi Livni, la leader des soit-disant « centristes » de Kadima et actuelle ministre des Affaires étrangères qui a été invitée à former un nouveau gouvernement suite à la démission d’Ehud Olmert. Mais elle apparaît bien affaiblie… Comme l’a souligné le commentateur politique Yoav Sivan, « j’ai parlé avec des dizaines d’« insiders » et ils sont unanimes sur un point : le grand échec de Livni est qu’elle est incapable de former un nouveau gouvernement. Et sa tentative de présenter cette défaillance, qui est quand bien même le premier devoir d’un leader politique, comme le fruit de son refus de compromis idéologique avec les exigences du Shass [le parti religieux] ne marche pas auprès des électeurs ».
Dans ce contexte, le retour de Benyamin Netanyahu au poste de Premier ministre d’Israël semble bel et bien programmé pour l’année prochaine.