On le savait, les "minorités visibles" s’en plaignaient, mais on n’en avait pas la preuve. Comment en effet démontrer que la police française effectue ses contrôles d’identité "au faciès" lorsque les statistiques ethniques sont interdites ? L’Open society institute, "
fondation américaine créée par le milliardaire Georges Soros", comme nous l’apprend
Le Monde qui
consacre un article à cette affaire, ne s’est pas embarrassée d’une telle prohibition : une longue enquête a détaillé 525 contrôles d’identité effectués par la police dans cinq lieux parisiens proches de la gare du Nord et de Châtelet-Les-Halles, entre octobre 2007 et mai 2008, comparant les profils des individus contrôlés "
avec ceux des personnes (37 000 au total) passant à proximité. Sans tabou : contrairement aux traditions françaises, ces individus, qui restent anonymes, sont désignés par la couleur de leur peau (
"Blanc
",
"Noir
",
"Arabe
", etc.)." En gage de sérieux, ce sont deux chercheurs du
CNRS qui ont dirigé l’enquête. Ses résultats sont édifiants : "
les forces de l’ordre effectuent des contrôles d’identité discriminatoires vis-à-vis des Arabes et des Noirs : pour les premiers, la probabilité d’être contrôlé est globalement 7,8 fois plus élevée que pour les Blancs ; pour les seconds, elle est six fois plus importante", résume
Le Monde. "
Il y est établi (dans l’enquête, NdA)
que ces pratiques policières sont fondées principalement sur la couleur de la peau – et non pas sur le comportement des intéressés, comme l’impose le droit",
ajoute Mediapart. Le rapport de L’Open society institute contextualise ses résultats : "
Les contrôles sont en effet fréquemment au cœur de l’antagonisme entre les policiers et les jeunes, plus particulièrement vivant dans les zones urbaines reléguées. Ces derniers se plaignent depuis longtemps d’être la cible de contrôles d’identité répétés, dépourvus de nécessité et relevant du harcèlement". On sait désormais qu’ils enquiquinent six plus fois les Noirs et près de huit fois plus les Arabes que les Blancs. Comment la préfecture de police le justifie-t-elle, par la bouche de sa porte-parole, la commissaire Sylvie Lajus, citée par
Le Monde ? "
N’oublions pas que la pratique policière se fonde sur des paramètres empiriques incontournables, notamment l’apparence, l’âge, le sexe ou l’origine géographique. Le travail policier ne peut pas s’apparenter à un sondage où on chercherait à être représentatif de la population. Notre mission, c’est de prévenir des délits et des crimes, pas de représenter la société". Donc, pour "
prévenir des délits et des crimes", il conviendrait de contrôler infiniment plus les minorités ethniques ? Est-ce à dire que ce sont elles qui les commettent en une proportion à ce point plus importante ? Ou bien les Noirs et les Arabes sont-ils tous suspects
a priori ? Il nous semble que poser la question revient à y répondre. Aussi, si
Le Monde titre
La police mise en cause pour ses contrôles au faciès et
Mediapart, Contrôles policiers au faciès : la preuve scientifique, nous préférons une formulation davantage sabre au clair : puisque cette étude scientifique révèle que la police parisienne pratique la discrimination raciale en matière de contrôles d’identité, appelons un chat, un chat, et osons affirmer qu’elle est raciste ! L’argumentaire nous semble assez solide pour nous mettre à l’abri d’un procès pour diffamation. Quoique, par les temps qui courent...
PS : Nous venons de recevoir, par lettre recommandée avec accusé de réception, l’ordonnance de notre renvoi devant le tribunal correctionnel où nous serons jugé, à une date encore inconnue, pour "injure publique envers un fonctionnaire public", à la suite de la plainte d’un magistrat visant un billet de Plume de presse. Nous vous en reparlerons.
Mise à jour : Le Figaro embraye, contre toute attente, avec bonheur. Il apporte les précisions suivantes : "Cette propension des policiers à viser les jeunes appartenant aux minorités sensibles est dangereuse et inefficace, préviennent Fabien Jobard et René Lévy (les deux chercheurs du CNRS, NdA). « Le profilage racial réduit l’efficacité de la police, qui dépend profondément de la coopération du public pour obtenir le signalement des infractions et des témoignages. Le contrôle au faciès peut aussi entraîner des conflits entre la police et les groupes visés, et un niveau accru de violence comme en témoignent les épisodes émeutiers récents », écrivent-ils. Des contrôles répétés basés sur l’apparence et non le comportement permettent-ils une meilleure prévention de la délinquance ? Rien ne le garantit. « Le fait que l’on ait laissé repartir 78% des personnes contrôlées, sans qu’il y ait apparemment besoin de les emmener au poste conduit à s’interroger sur l’efficacité des contrôles dans la détection des infractions », pointent les chercheurs. Ces contrôles au faciès violent aussi la législation française, qui garantit l’égalité de tous indépendamment de l’origine ethnique, raciale ou nationale, remarquent Fabien Jobard et René Lévy."