Affaire des mallettes : Bon courage aux flics !
Hier, le feu a pris par cette interview de mon excellent confrère Robert Bourgi. Notre ami nous explique que 1995 à 2005, il remettait de l’argent en liquide à Chirac et Villepin, par millions, en provenance de chefs d’Etat africains. Tout ceci a pris fin, car Villepin l’a viré avec un coup de pied au cul.
Fâché, il est allé voir Sarko et lui a tout raconté. Sarko l’a embauché et il est devenu son Monsieur Afrique. Sur RTL, il avait expliqué il y un an comment il avait géré le limogeage de Bockel, un peu trop regardant. Il nous dit encore que depuis qu’il travaille avec Sarko, pas un seul billet frauduleux n’est passé. Donc, tout propre de chez propre depuis six ans. Oui, mais voilà, son esprit est hanté par ces choses qui n’étaient pas bien, et il veut se mettre d’équerre avec sa conscience. Il a donc décidé de donner une interview au JDD.
Attention, grosses manips en vue !
Mon excellent confrère ne saurait ignorer l’article 40 du Code de procédure pénale. Les infractions, on les raconte d’abord à la police, pas à la presse, surtout si c’est pour « libérer sa conscience ».
Le problème est qu’un pv de la maison poulaga est moins visible que la Une et trois pages du JDD. Donc, il ne s’agit pas de libérer sa conscience mais de foutre un gros barouf médiatique. Et personne ne peut croire que le Monsieur Afrique de Sarko balance dans la presse sans le feu vert de qui vous savez.
Ensuite, mon excellent confrère a pu contenir ce besoin de tout dire (Enfin, presque…) pendant six ans, mais il craque soudain le 11 septembre 2001. Il n’est jamais trop tard pour bien faire, certes. Mais, je ne crois pas un instant à ce besoin pressant.
Cette interview vient ce dimanche pour une seule et bonne raison : parce que mercredi sort le livre de Pierre Péan, « La République des mallettes ». Un livre pour dézinguer mon excellent confrère ? Pas du tout. Robert Bourgi est cité dans le livre, mais Pierre Péan explique qu’il faut être plus que prudent car personne n’est en mesure de confirmer ou d’apporter des preuves tangibles.
Non, la cible principale de Pierre Péan est Alexandre Djouhri. Profil plus qu’atypique pour un ancien petit roublard de Sarcelles des années 1980 devenu un grand entremetteur aux confins de la finance et de la politique. Pierre Péan a cerné le rôle de cet inconnu du grand public, omniprésent d’après lui sur tous les dossiers chauds : infirmières bulgares, manœuvres dans le nucléaire français, divorce présidentiel, Clearstream, Angolagate, armements… Le livre de Pierre Péan se termine par cette phrase prêtée au sympathique Alexandre Djouhri : « Je les tiens tous par les couilles ».
Alors, un contre-feu pour détourner l’attention ? La confession subite au JDD devient plus compréhensible… D’autant plus que l’enquête des flics s’annonce particulièrement difficile.
Robert Bourgi va être entendu et il va raconter des histoires qui sont bien plausibles, certes. Mais quelles preuves ? De l’agent liquide, chiffré en million, sans écrit, ni témoin. Impossible de faire un procès avec çà. Les anciens de l’équipe Gbagbo vont confirmer, mais ont-ils gardé le moindre indice de preuve ? Et après le lâchage par la France, quelle fiabilité ? Il sera difficile de prendre pour « argent comptant » les déclarations de ces personnes qui expliquent avoir organisé des trafics insensés pendant plus de dix ans… C’est mal barré.
On en saura un peu plus via les procès en diffamation qui vont suivre la publication du livre de Péan, mais ça restera limité. Ce qui est demandé à un journaliste, c’est de faire une enquête sérieuse. On ne lui demande pas d’être une cour d’appel, qui ne condamne qu’en explicitant les preuves. Le tribunal peut écarter la diffamation même si la preuve exacte des faits n’est pas rapportée.
Or, il y a de très fortes raisons de penser que le critère du sérieux de l’enquête est atteint. Péan est un grand pro. Il a de la méthode mais il n'est pas infaillible. De plus, les confessions subites de Robert Bourgi accréditent le travail de Péan. Et puis, des témoins ont accepté de dire quelques mots. Dont un certain Hervé Morin, qui alors ministre de Défense, avait mis en garde Sarkozy : « Nicolas, fais attention, dans ton entourage, il y a des gens pas nets et dangereux. J'ai trop de retours sur Ziad Takieddine et Alexandre Djouhri ». Hervé Morin vient de confirmer.
Que les journalistes fassent leur travail, c’est surtout d’eux qu’on pourra en apprendre. En attendant, j’ai demandé à mon libraire de mettre un exemplaire du livre de Péan de côté (Fayard, 450 pages, 23 €), car il va y avoir de la demande.
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