Allocations suspendues pour 150 Marocains : ils ne passent pas assez de temps en France
"Tous ces gens vont se retrouver à la rue. C'est avant tout un problème humain", dénonce Me Chninif, l'avocat d'une dizaine de retraités marocains résidant dans le quartier Saint-Jacques à Perpignan, actuellement menacés d'expulsion de leur logement. Pour eux, l'histoire a commencé en mai par une lettre émanant de la Caisse d'allocations familiales (Caf) des P.-O. les informant que l'allocation logement, dont ils bénéficiaient jusque-là, était suspendue et qu'ils
"Un contrôle abusif"
"Mais quels contrôles ont été effectués ? On leur a demandé de présenter leurs passeports pour savoir à quel moment ils se trouvaient sur le territoire français. Certains ont refusé. D'autres les ont fournis. Sur quelles bases juridiques, la CAF a le droit de vérifier les entrées et les sorties du territoire ? Il y a eu beaucoup d'abus c'est sans doute vrai, mais là il s'agit aussi d'un contrôle abusif de la CAF dont ils sont victimes. D'autant que ces contrôles visent actuellement, de manière sélective, des retraités qui sont essentiellement d'origine marocaine", ajoute l'avocat.
"Cette décision est illégale et ne peut être qu'annulée. Ils doivent prouver qu'ils occupent leur logement alors que c'est à la Caf de prouver le contraire". Et Me Chninif de rappeler une délibération de la Halde (haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité) du 6 avril 2009 qui avait estimé que des "décisions de la Caf prises dans des conditions similaires, revêtaient un caractère discriminatoire fondé sur la nationalité, prohibé par la Cour européenne des droits de l'homme." A rrivés dans les années 70, la plupart des retraités concernés par cette affaire travaillaient dans le bâtiment ou l'agriculture. Nombreux à ne pas avoir été déclarés pendant très longtemps, ils n'ont pu prétendre à la nationalité française, ni au regroupement familial. La plupart de ces hommes vivent ainsi seuls à Perpignan, loin de leur famille restée au pays, "tolérés" par leur seul titre de séjour renouvelée depuis plusieurs dizaines d'années et touchant la maigre pensi on de retraite (de 300 à 600 euros par mois) qui leur est due pour services rendus. Et c'est bien là leur dilemme. Un des liens qui les retient sur le sol français, au risque de ne plus rien percevoir s'ils repartent au Maghreb.
"Avec cette seule pension et sans l'allocation logement, ils ne peuvent plus payer leur loyer. Par conséquent, le propriétaire se re tourne contre eux et les a assignés en justice", explique l'avocat.
"Où iront-ils ?"
Quelques-uns étaient convoqués la semaine dernière devant le tribunal d'instance de Perpignan qui devait statuer sur la rupture du contrat de bail sollicitée par le propriétaire. Le jugement étant immédiatement applicable. Or, l'audience a été renvoyée au 29 septembre. Le temps, espère Me Chninif que la commission de recours de la Caf qu'il a saisie en juin, et qui doit se pencher sur le dossier ce mois-ci, annule sa décision de suspension des aides au logement. "Ces gens n'ont même pas conscience qu'ils risquent de se retrouver dehors, tellement cela paraît surréaliste. Ils sont là depuis toujours. Où iront-ils ?" Ceux-là, mais pas seulement... Car, après enquête, et à simplement discuter avec les intéressés aux abords de la place Cassanyhes, on s'aperçoit qu'ils sont bien plus nombreux à se promener dans le quartier, un courrier de la CAF en main. Suspension de l'APL, du RSA... Ils seraient 150 ressortissants marocains, voire plus, tous locataires dans les quartiers Saint-Jacques et Saint-Mathieu, à être visés par une mesure similaire. Une vague de retrait des allocations qui aurait été déclenchée par l'enquête sur un vaste réseau de fraudes immobilières. Alors pourquoi viser les seuls locataires ? Et surtout y a-t-il un contrôle ciblé d'une certaine tranche de population ? La Caf, de son côté, assure que "non" .
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