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Blackwater joue les mercenaires au grand coeur

30.06.08 Bernard Estrade

Les peoples ne vivent pas dans le monde réel. Certes. Mais ils peuvent aider à y faire du business. La comédienne Mia Farrow, impliquée dans l'aide aux réfugiés du Darfour, a ainsi interpelé Erik Prince, le propriétaire de Blackwater, la compagnie de mercenariat qui a fait fortune en Irak. 

La star s'est adressée au patron de la société pour étudier les conditions d'une opération humanitaire dans cette région du Soudan.  

Mia Farrow a justifié sa démarche en dénonçant l’impuissance de l’Onu à faire cesser les exactions au Darfour. Elle enfonce le clou : « Les réfugiés dans les camps ont besoin de recevoir de l’aide. Ils se moquent d’où elle peut venir ».

Qu'importe les moyens si on peut les secourir. 

Cet appel de l’actrice, dont le dévouement aux causes humanitaires ne peut être mis en doute, traduit sa frustration.

Il confère aussi à Blackwater une légitimité à réelle. Une communication inespérée pour une industrie basée sur la privatisation des activités militaires, proposée au plus offrant. 

Même si Blackwater repousse l’étiquette avec hauteur, il ne s’agit ni plus ni moins que de mercenariat, une activité antique qui connaît une nouvelle jeunesse. 

Le nom de Blackwater est connu du grand public depuis un incident au mois de septembre dernier, dans le centre de Bagdad à Nisour Square. Ses employés, qui escortaient un diplomate américain, ont ouvert le feu et tué 17 civils irakiens dont des femmes et des enfants. 

Le tollé a été immense. D’autant qu’il est vite apparu que les hommes de Blackwater avaient ouvert le feu à tort. 

Paradoxe suprême, le drame a montré que les mercenaires bénéficiaient d’une immunité de fait. Les crimes accomplis dans l'exercice de leurs fonctions embarrassent les deux juridictions. 

Personne ne souhaite les juger et leur demander de s'expliquer devant un tribunal, pas plus en Irak qu’aux Etats-Unis. 

Le gouvernement irakien s'est contenté d'une démarche politique. Il en a appelé jusqu’à la Maison Blanche, exigeant le retrait immédiat d’Irak de tous les personnels de Blackwater.

Sans résultat. L’émotion est vite retombée.

En avril dernier, le département d’Etat américain, non seulement renouvelait le contrat de la compagnie mais le doublait portant son montant à 144 millions de dollars.

Cependant, pour les mercenaires modernes, protéger les personnes n’est qu’une activité parmi d’autres. Si c’est la plus visible et la plus connue, ce n’est pas la plus lucrative. 

Certains contrats sont plus juteux. Le Pentagone a ainsi demandé à Blackwater de participer à un appel d’offre pour un contrat destiné à « combattre les terroristes impliqués dans le trafic de drogue » d’un montant de 15 milliards de dollars sur cinq ans. 

La compagnie d’Eric Prince, l’héritier d’une famille de milliardaires qui soutient le parti Républicain, est présente sur plusieurs dossiers stratégiques. 

Au Japon où elle assure la protection du système anti-missiles déployé par les Etats-Unis. À Taiwan où elle entraîne les hommes du Bureau National de la Sécurité, les services de sécurité intérieurs. 

Blackwater dispose également d’un département aérien comptant avions et hélicoptères, d’un embryon de marine de guerre. Et elle possède bien sûr ses propres ses champs de manœuvres.

Le joyau de la couronne est cependant ailleurs. 

Blackwater a lancé le premier service secret privé qui, sous le nom de Total Intelligence Solutions, promet à ses clients potentiels "des services comparables à ceux de la CIA".

Total Intelligence a implanté son quartier général au neuvième étage d’un quartier d’Arlington en Virginie où se trouve son Centre Opérationnel qui analyserait, 24 heures sur 24, les informations en provenance du monde entier (des sources ouvertes en réalité). 

L’installation, opérationnelle depuis le mois de décembre dernier, affecte de ressembler à celle du Centre Contre-terroriste de la CIA. 

Ce n’est pas un hasard : Total Intelligence compte plusieurs vétérans de la centrale américaine parmi ses cadres. En particulier son directeur général, Robert Richer, ancien chef de la Near East Division de la CIA (la division responsable du Moyen Orient), et ancien numéro 2 de la direction des opérations de l'agence.

Et le parrain de Total Intelligence, Cofer Black, n’est autre que l’ancien patron de l’anti-terrorisme à la CIA (celui-ci propose par ailleurs des prestations d'intermédiation très politiques via sa société de conseil Blackgroup LLC).

Des missions de renseignement à l’humanitaire, les mercenaires n’ont jamais proposé ouvertement une aussi vaste gamme de services. Sans que les parlementaires et les opinions publiques ne s’en inquiètent.



30/06/2008
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