BONNE ANALYSE : L’Otan est le bras armé de la mondialisation»
L´intervention de l´Otan en Libye entre en concurrence avec l´ONU. Les prérogatives de cette dernière sont piétinées. Mansour Lakhdari, enseignant-chercheur dans le domaine des affaires sécuritaires, a soutenu que l´instance gérée par Ban Ki-moon est complètement submergée dans son rôle par l´Otan. Dans cet entretien, il explique que toutes les missions des structures onusiennes et régionales se sont mises au service de la reconfiguration du Nouvel ordre mondial mis sur pied par les USA.
L´Expression: Les Nations unies se sont visiblement effacées devant l´Otan dans le traitement du conflit libyen. Comment expliquez-vous une telle attitude?
Mansour Lakhdari: Aujourd´hui, il est clair que l´extension des missions de l´Organisation du traité de l´Atlantique Nord (Otan) entre, sans nul doute, dans une concurrence, de manière plus au moins voilée, avec les prérogatives de l´ONU. Donc, la légalité internationale, celle des Nations unies est mise, encore une fois, à bas par les vainqueurs (les Alliés) de la Seconde Guerre mondiale, qui s´autorisent, désormais, à conduire dans leurs zones d´influence et/ou ex-colonies, des interventions militaires, sous le fallacieux prétexte de la guerre contre le terrorisme, la promotion de la démocratie, la protection des minorités etc. Les interventions de l´Otan en Afghanistan et en Libye en sont des exemples phares. Ce sont ces prétextes que s´offrent l´Otan pour intervenir militairement dans certains pays. L´intervention de l´Otan en Libye explique foncièrement cette complicité ONU-Otan et USA. Cela dit, l´Otan est devenue le bras armé d´une mondialisation, qui serait essentiellement d´inspiration américaine. Les desseins sont la reconfiguration de l´ordre mondial selon sa propre stratégie. D´où aujourd´hui, le phénomène de l´ingérence est connu, il est utile de le noter, des évolutions en fonction des mutations mondiales, parrainées par les Etats-Unis d´Amérique. Donc, les USA se sont octroyés le droit d´ingérence d´intervenir partout et pour n´importe quelle raison, usant aussi bien des structures onusiennes que régionales pour donner plus de crédit et de légitimité à leurs actions.
Donc, ce sont les USA qui dictent les missions aussi bien à l´ONU qu´à l´Otan?
C´est très clair, les impératifs et les missions des Nations unies et de l´Organisation du Traité de l´Atlantique Nord (Otan) se trouvent toutes les deux sous une totale influence des Etats-Unis d´Amérique. Les deux institutions agissent suivant les orientations et recommandations des USA concernant leurs résolutions et leurs positions à l´égard des différents événements secouant le Monde depuis la fin de la guerre froide. Aujourd´hui, les Etats-Unis inaugurent une nouvelle ère qui légitime leur rôle de gendarme du monde. Ce sont eux qui déterminent les critères pour coller aux Etats leurs étiquettes «d´Etat dictatorial» ou d´«Etat voyou». Ce sont eux également qui peuvent apprécier, selon leurs normes, les Etats qui «maltraitent» leurs peuples. Enfin, ils n´ont besoin de personne, et encore moins du Conseil de sécurité de l´ONU, pour intervenir dans les Etats, en utilisant les pressions, les sanctions et bien évidemment la force.
Comment peut-on alors expliquer l´intervention de la coalition, suivie par celle de l´Otan en Libye?
L´intervention des Français et leurs pairs contre la Libye est contraire au droit international. Car, une intervention étrangère dans un pays souverain est du ressort des Nations unies. Seul le Conseil de sécurité pourrait envisager des sanctions ou décider, par exemple, de l´envoi de forces des Nations unies en Libye ou non. En conséquence, la responsabilité première pour le maintien de la paix et de la sécurité au niveau international incombe au Conseil de sécurité des Nations unies. Cela est aussi l´une des priorités de l´Europe qui consiste à renforcer l´organisation des Nations unies, en la dotant des moyens nécessaires pour qu´elle puisse assumer ses responsabilités et mener ses actions efficacement. Mais, curieusement, cette notion est mise en marge et complètement piétinée en s´attaquant à la Libye. Pourtant, la place de l´ONU est reconnue assez clairement dans la stratégie européenne de sécurité adoptée en décembre 2003, après le rapport Solana. Elle dit: «Nous nous engageons à défendre et à développer le droit international. Les relations internationales ont pour cadre fondamental la Charte des Nations unies». Je tiens à rappeler dans ce contexte, que la France a été parmi les nations les plus réticentes sur les implications enregistrés par l´Otan dans certains pays. L´ambassadeur de France auprès du Conseil de l´Atlantique Nord, Richard Dugué l´avait exprimé fortement, début 2006: «Mais est-il pour autant de l´intérêt des Alliés de promouvoir à l´échelle mondiale une «Alliance des démocraties»? Nous ne le pensons pas (...) L´Alliance n´a rien à gagner à être perçue comme un instrument d´exportation de la démocratie à la pointe du fusil. Mais avec l´intervention de la coalition par l´Otan en Libye, il est plus urgent de revoir le fonctionnement de la Charte de l´ONU afin que le droit d´ingérence devienne un instrument légal de prévention et de résolution de crises et non un instrument augurant de nouvelles formes de colonialisme. Donc, l´intervention de la France, de la Grande-Bretagne en Libye est un acte motivé par des intérêts stratégiques et géostratégiques, en l´occurrence, le pétrole et l´installation de bases militaires permettant des expansions. Il y a également le rebondissement de la diplomatie française, notamment depuis que cette dernière s´est trouvée absente lors des révolutions tunisienne et égyptienne.
Comment peut-on appréhender la place de la Ligue arabe après les révoltes qui se sont déclenchées dans le Monde arabe, mais surtout l´intervention militaire contre la Libye?
La Ligue arabe a perdu totalement sa légitimité et sa crédibilité, notamment depuis le soulèvement des peuples arabes contre leurs régimes. Elle est devenue sans valeur et constitue plutôt une structure, à l´instar des structures onusiennes, mises au service des Occidentaux, à leur tête les USA. Elle est là pour cautionner des actes d´ingérence contre des pays qu´elle est censée défendre. Sa position vis-à-vis de l´intervention de la coalition en Libye renseigne amplement sur sa non-efficacité. D´où d´ailleurs, aujourd´hui, certains pays arabes n´ont plus confiance en elle. Certains pays de cette région cherchent à se regrouper dans d´autres alliances régionales, en l´occurrence les pays du Golfe, qui viennent de s´illustrer dans le cadre du Conseil de coopération des Etats arabes du Golfe (CCG). Ces pays-là, agissent aujourd´hui, dans le cadre du CCG, ils viennent même de l´élargir pour toucher la Jordanie et le Maroc, auxquels des invitations ont été adressées.
MANSOUR LAKHDARI, ENSEIGNANT-CHERCHEUR
Entretien réalisé par Kamel LAKHDAR-CHAOUCHE
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