Plusieurs événements convergents montrent que la possibilité d’une frappe aérienne israélienne contre l’Iran avec le soutien tacite de l’administration Obama est plus que jamais d’actualité. Il y a d’abord Dennis Ross qui vient d’être nommé au poste de coordinateur sur la question iranienne au sein de l’équipe de Barack Obama.
Un poste que Ross souhaitait ardemment. Car, en dépit d’une mince expérience du pays des ayatollahs, il est obsédé par l’Iran. Sa nomination a été fraîchement accueillie à Téhéran. La radio officielle y a vu un « signal qu’il n’y a aucun changement avec la politique de Bush » envers l’Iran et, dans un interview accordée à Inter Press Service, Kazem Jalali, un membre de la Commission sur la sécurité nationale et les affaires étrangères du parlement iranien ainsi qu’un proche du Président Ahmadinejad, ironisait en ces termes : « il aurait été bien meilleur de nommer Ariel Sharon ou Ehud Olmert » à ce poste. Voilà qui a le mérite d’être clair.
Ross, supporter inconditionnel d’Israël
Ross est connu comme étant un supporter inconditionnel d’Israël. Il est l’un des dirigeants du Washington Institute for Near East Policy (WINEP), un think-tank fondé il y a vingt ans par l’AIPAC (American Israël Public Affairs Committee), le riche et puissant lobby pro-israélien si proche de l’ambassade d’Israël à Washington que deux de ses dirigeants ont été inculpés pour espionnage il y a quatre ans. Ils avaient subtilisé au Pentagone, avec l’aide des néo-conservateurs de l’équipe de Donald Rumsfeld, des documents secrets concernant… l’Iran.
En tant que dirigeant du WINEP, Ross a toujours prôné la ligne dure de l’AIPAC sur le pays des ayatollahs et, en juin 2008, a préparé un rapport avec le « groupe de travail présidentiel » de ce think tank intitulé « Strengthening the Partnership : How to Deepen U.S.-Israel Cooperation on the Iranian Nuclear Challenge » (Renforcer le partenariat : comment approfondir la coopération entre les Etats-Unis et Israël sur le défi nucléaire iranien). Belliqueux à l’égard de Téhéran, ce texte est co-signé par Susan Rice, actuel ambassadeur à l’ONU de Barack Obama, et par Richard Holbrooke, nouvel ambassadeur spécial du président américain pour l’Afghanistan et le Pakistan.
Auteur du discours musclé d’Obama à l’AIPAC
Ross, qui pendant la campagne présidentielle a été le principal conseiller d’Obama sur l’Iran, est aussi l’auteur du discours musclé et guerrier du candidat démocrate à la convention de l’AIPAC en juin dernier et dont Bakchich s’est fait l’écho. Il est aussi le co-fondateur et co-président (avec Holbrooke, encore lui) d’un comité — United Against a Nuclear Iran (Unis contre un Iran nucléaire) — qui fait campagne pour que les Etats-Unis empêchent Téhéran d’acquérir la bombe atomique par tous les moyens.
Décidément obsédé par l’Iran, Ross a également co-rédigé un manifeste sur le pays des ayatollahs du Bipartisan Policy Center qui, s’il est mis en œuvre, provoquera immanquablement l’entrée en guerre de l’Amérique contre les Iraniens.
Ce texte prône l’installation de matériel de guerre en Afghanistan pour éventuellement l’utiliser contre l’Iran. Obama vient d’ailleurs d’ordonner que le nombre de soldats américains en Afghanistan passe à 50 000 et que ces hommes soient équipés avec des armes dernier cri. Soulignons au passage que l’un des co-fondateurs du Bipartisan Policy Center est George Mitchell, nouvel ambassadeur spécial pour le Moyen-Orient de Barack Obama. Et il est difficile d’ignorer que le fait qu’Obama laisse 50 000 soldats et leurs avions en place en Irak dans son plan de retrait éventuel annoncé le 27 février est en partie motivé par la volonté de pouvoir prendre en tenaille l’Iran sur ses deux frontières avec des forces considérables capables d’y frapper en cas de besoin.
Le Jérusalem Post annonce presque les frappes israéliennes
Pendant que le président américain nommait Dennis Ross au poste de coordinateur sur la question iranienne, en Israël, Benjamin Netanyahu, qui multiplie les déclarations fracassantes contre l’Iran, est en train de former un nouveau gouvernement.
Comme l’a rapporté le Jerusalem Post (proche de Netanyahu) dans un article effrayant intitulé « La fin de la partie nucléaire entre l’Iran et l’Israël est bien plus proche », le nouveau Premier ministre « est décidé à agir avant, pas après que l’Iran parvienne à mettre en marche son potentiel nucléaire. Ceci crée une situation volcanique qui pourrait exploser à tout moment. Donc, la fin de partie [comprendre : une frappe contre l’Iran] est bien plus proche qu’à la mi-janvier lorsque beaucoup croyaient qu’Israël pouvait agir pendant les derniers jours de la présidence Bush. »
Et le Jerusalem Post de souligner qu’il y a « une fenêtre d’opportunité très limitée » de quelques mois pour frapper l’Iran avant que le système russe de défense anti-aérienne S-300, que Vladimir Poutine a commencé à livrer à l’Iran après son invasion de la Géorgie, ne soit opérationnel.
Benjamin Netanyahu sous pression
En ce moment, Netanyahu subi une double pression pour attaquer l’Iran. D’une part de l’extrême droite de son propre parti, le Likoud, et de son chef, Moshe Feiglin. D’autre part, de son allié dans le gouvernement de coalition, Avigdor Lieberman. Cet ultranationaliste raciste et chef du parti Yisrael Beitenu pèse lourd depuis les élections législatives du 10 février dernier.
Son parti a remporté de façon inattendue quinze sièges à la Knesset, ce qui représente la marge nécessaire dont a besoin Netanyahu s’il veut arriver à former un gouvernement de droite au cas où les travaillistes et le parti Kadima de Tzipi Livni refusent d’appartenir à une coalition d’« unité nationale ». C’est ce qui se dessine maintenant puisque Livni a fait savoir à ses proches que Kadima ne participera pas à un gouvernement avec Netanyahu et l’odieux Lieberman. Résultat : l’extrême droite israélienne est donc incontournable…
Aucune chance que le réformateur Khatami revienne au pouvoir en Iran
A Washington, où les lobbys pro-israéliens s’achètent des pleines pages de publicité dans les quotidiens et des spots publicitaires à la télévision pour demander une action immédiate contre l’Iran, un groupe de travail gouvernemental dont Dennis Ross est le coordinateur est en train de dessiner la politique d’Obama sur ce pays (leur rapport est attendu pour le mois prochain). Un autre membre important de ce groupe est Richard Holbrooke, ancien compagnon de Ross dans les rapports et manifestes guerriers anti-irakiens et israélophiles.
De plus, ces messieurs sont très, mais alors très pessimistes sur les chances de voir Mahmoud Ahmadinejad battu lors des présidentielles iraniennes de juin 2009 par l’ex-président « réformiste » Khatami. La probabilité que cet ayatollah l’emporte est en effet nulle. Même si un sursaut inattendu contre Ahmadinejad de la part d’électeurs qui subissent de plein fouet la crise économique survenait, l’élection serait volée par une fraude orchestrée par Ahmadinejad et surtout par l’establishment clérical placé sous la direction du Grand Ayatollah Ali Khameini, le leader suprême de l’Iran, qui n’envisage pas de voir Khatami revenir au pouvoir. Donc, pas la peine de capitaliser sur un éventuel changement à Téhéran pour éviter que Benjamin Netanyahu ne lâche ses bombes.
La convergence de tous ces éléments fait tout simplement froid dans le dos.