Battu de 170 voix (6 621 contre 6 451 à Serge Dassault) aux élections municipales de mars 2008, Bruno Piriou, le chef de file de l’opposition à l’avionneur-sénateur-patron de presse, a déposé un recours, dénonçant pêle-mêle des « achats de voix », des « pressions sur les électeurs », des « irrégularités de propagande ». Selon son mémoire déposé en mai 2008, il affirme que Dassault avait passé du temps à distribuer de beaux billets, notamment entre les deux tours. Une bonne douzaine d’attestations avaient été versées au dossier, dont certaines assurent carrément que le bon monsieur Dassault avait voulu acheter leur vote. Des affirmations qui pour le moment n’engagent que leurs signataires effrontés.
Déposant plainte au printemps à Evry contre une demi-douzaine de signataires de ces attestations, de faibles âmes qui avaient probablement rêvé, Serge Dassault n’avait pas prévu que le parquet d’Evry lancerait une procédure permettant de faire la lumière. Et bien, c’est pourtant ce qui se passe. Une information judiciaire a été ouverte, confiée à un juge d’instruction. Si l’on ne peut plus tenir les magistrats…
Des auditions et de nouveaux détails
Résultat, les auteurs des attestations sont auditionnés par les flics les uns après les autres et, miracle, ils ne semblent pas se dédire. « Ceux qui ont signé les attestations étaient blêmes quand ils ont été convoqués par la police, mais il ne se sont pas dégonflés », assure Bruno Piriou. Certains ajouteraient même de nouveaux détails sur la nature des « dons » de Dassault. Avec le risque - tout à fait présumé - qu’un système organisé d’achats de voix soit mis à jour, non plus par les rares journalistes à s’intéresser à ce qui se passe à Corbeil, mais par une procédure en bonne et due forme.
Bien sûr, on en est loin. Tout cela reste à vérifier. L’argent liquide laisse rarement des traces et Pierre Haïk, l’avocat de Dassault, trouvera probablement matière à flinguer les soupçons de la justice.
Pourtant le patron du Figaro pensait faire d’une pierre coup double avec ses plaintes, comme l’explique un proche de son opposition municipale. Selon lui, il se voyait déjà obtenir une condamnation en diffamation de tous ceux qui ont osé affirmer qu’il achetait des voix à Corbeil. Surtout, ses plaintes devaient permettre aux juges administratifs chargés d’étudier la validité de l’élection municipale de couler l’argument de ses adversaires. Ce qu’ils n’ont pas manqué de faire, écrivant dans leur jugement du 6 octobre qui valide l’élection de Dassault : « Considérant que M. Piriou n’établit pas la réalité de dons d’argent auprès de particuliers en se prévalant, d’une part, de douze attestations (…) alors que les allégations qui y figurent sont· toutes réfutées par M. Dassault qui indique avoir porté plainte contre les auteurs de celles qui le mettent directement en cause ».
Au lieu du coup double, l’arroseur arrosé ?