Les Etats-Unis révisent leur politique antidrogue en Afghanistan
TRIESTE, Italie - Les Etats-Unis vont remanier de fond en comble leur stratégie antidrogue en Afghanistan en abandonnant peu à peu l'éradication du pavot, a déclaré samedi l'émissaire de Washington au Pakistan et en Afghanistan.
Richard Holbrooke, qui prenait part à une conférence du Groupe des Huit (G8) sur la stabilisation de l'Afghanistan, s'est aussi entretenu des mesures visant à y favoriser le bon déroulement du scrutin présidentiel du 20 août prochain.
Washington a quasiment doublé ses effectifs militaires pour combattre l'insurrection des taliban et assurer la sécurité durant l'élection.
"La politique occidentale contre la culture de l'opium, la culture du pavot, a échoué. Elle n'a porté aucun préjudice aux taliban mais a mis des cultivateurs au chômage", a dit Holbrooke à Reuters après une série d'entretiens bilatéraux à Trieste.
"Nous ne favoriserons plus l'éradication des cultures. Nous allons l'abandonner progressivement", a-t-il indiqué en précisant que l'effort porterait dorénavant sur l'interception des drogues et des produits chimiques utilisés pour les fabriquer ainsi que sur la chasse aux trafiquants.
Quelques activités d'éradication pourraient rester tolérées mais exclusivement dans des zones restreintes, a-t-il ajouté.
L'Afghanistan produit plus de 90% de l'héroïne mondiale.
Malgré les millions de dollars consacrés à la politique anti-stupéfiants, la production de drogue a considérablement augmenté jusqu'à l'an dernier. Selon des statistiques de l'Onu, la production afghane d'opiacés a été multipliée par plus de 40 depuis la chute des taliban, chassés de Kaboul par l'intervention alliée de la fin 2001.
Selon Franco Frattini, chef de la diplomatie italienne, Holbrooke a informé les délégués que les Etats-Unis allaient réduire le financement des programmes d'éradication tout en débloquant plusieurs centaines de millions de dollars pour soutenir les cultures légales.
ÉLECTION CRUCIALE
Antonio Maria Costa, directeur de l'Office de l'Onu pour le contrôle des drogues et la répression du crime, a déclaré à Reuters que la stratégie d'éradication américaine s'était réduite à "une triste plaisanterie" :
"Triste, parce que beaucoup de policiers et de soldats afghans (...) ont été tués et qu'on n'a éradiqué qu'environ 5.000 hectares, soit à peu près trois pour cent du volume."
L'Iran a refusé de participer à la réunion, mais Antonio Maria Costa a dit que Téhéran coopérait à une action multilatérale visant à contrer le trafic en provenance d'Afghanistan et avait lancé des opérations anti-stupéfiants avec les autorités afghanes et pakistanaises.
"C'est tout à fait nouveau, cela ne se voyait pas dans le passé", a-t-il noté.
Dans un communiqué, les 45 pays et organisations internationales présents à la conférence s'engagent à étudier les moyens d'accroître l'aide humanitaire au Pakistan, où près de deux millions d'habitants ont été déplacés par des combats.
Richard Holbrooke a déclaré que les alliés n'en faisaient pas assez. "Les Etats-Unis sont de loin le premier donateur dans la crise des réfugiés du Pakistan. Cela ne me gêne pas (...) mais d'autres pays ne font pas ce qu'on peut attendre à mon sens", a-t-il dit, ajoute que certains ministres lui avaient assuré en privé que leurs pays accentueraient leur effort.
Le scrutin afghan est jugé crucial pour le président Hamid Karzaï et pour Washington. Des délégués ont souligné - non sans songer à la présidentielle iranienne - l'importance d'une consultation libre, équitable et crédible.
Karzaï a exhorté samedi les taliban et leurs alliés à voter au lieu de perturber les opérations électorales. Frattini s'en est réjoui en notant que les pays de la Ligue arabes et du Golfe se montraient très intéressés par cette démarche.
Richard Holbrooke a dit que de hauts responsables américains considéraient cette élection comme "l'événement le plus important de l'année". "L'équité de cette élection déterminera la crédibilité et la légitimité du gouvernement. Nous venons d'assister à un cas spectaculairement malheureux tout près de là, en Iran", a-t-il déclaré.
"Dans ces situations, la gouvernance devient plus difficile. Aussi (...) aimerions-nous voir un gouvernement élu par son peuple dans des conditions crédibles, qui serait jugé légitime par le peuple et par la communauté internationale."
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