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Les Etats-Unis se retirent de Manta, dernière base américaine en Amérique du Sud

L’armée américaine a commencé vendredi l’évacuation de sa base aérienne de Manta, en Equateur. Ce retrait fait suite à la décision du président équatorien Raphaël Correa de fermer l’installation, considérée par Washington comme stratégique dans la lutte anti-drogue. La fermeture de Manta va contraindre les Etats-Unis à revoir leur présence militaire en Amérique latine.

Membres de la patrouille de l'US Air Force sur le tarmac de la base militaire de Manta en Equateur, le 23 Octobre 2008.(Photo : AFP)

Membres de la patrouille de l'US Air Force sur le tarmac de la base militaire de Manta en Equateur, le 23 Octobre 2008.
(Photo : AFP)

« Tout homme politique latino-américain qui accepte une base militaire nord-américaine est un traître à son pays, un traître à sa patrie », a lancé jeudi à La Paz le président bolivien Evo Morales, entouré de ses homologues vénézuélien Hugo Chavez et équatorien Rafael Correa. La déclaration de l’un des chefs de file de la gauche radicale latino-américaine vient à point nommé, alors que débute ce vendredi le démantèlement de la base militaire de Manta, sur la côte pacifique de l’Equateur.

A quoi servait la base militaire américaine de Manta ?

Manta était une base stratégique pour les Etats-Unis dans la lutte contre le trafic de drogue. Relativement récente, elle a été créée en 1999. Ce n’est pas une base traditionnelle, du type de celles que les Etats-Unis ont installé en Europe au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, avec des milliers de soldats stationnés en permanence. Manta est un « poste avancé » – pour reprendre la terminologie du Pentagone –, rattaché au Commandement Sud (USSOUTHCOM), basé à Miami en Floride.

D’une capacité maximale de 400 hommes, Manta servait surtout de piste d’envol et d’atterrissage pour les avions de renseignement américains, chargés de traquer les mouvements de drogue dans la région. Sa position idéale permettait de couvrir aisément les principales zones de production de la cocaïne, en Colombie, au Pérou, et en Bolivie. Il existe deux autres bases du même type dans la région : au Salvador (Amérique centrale) et à Curaçao, île néerlandaise des Caraïbes. Les Etats-Unis estiment que les renseignements recueillis grâce à ces trois « postes avancés » ont permis la saisie de 1 600 tonnes de drogue ces dix dernières années.

Les Etats-Unis évacuent leur base militaire de Manta en Equateur.(Carte : L. Mouaoued/RFI)

Les Etats-Unis évacuent leur base militaire de Manta en Equateur.
(Carte : L. Mouaoued/RFI)

Pourquoi la base américaine de Manta doit-elle fermer aujourd’hui ?

Les autorités équatoriennes ont décidé de ne pas renouveler le bail de 10 ans, signé en 1999 entre Washington et Quito, qui expire en novembre 2009. C’était une promesse de campagne de Rafael Correa, avant même son élection à la présidence équatorienne en 2006. Une fois au pouvoir, il en a fait une question de principe, en parlant même de « bouter les ‘gringos’ hors du pays ». Il a même fait inscrire dans la nouvelle Constitution du pays, approuvée par referendum en septembre 2008, l’interdiction de toute présence militaire étrangère permanente sur le sol national.

La fermeture de la base est acquise depuis un an et demi. C’est sa mise en œuvre qui débute aujourd’hui. La fermeture sera définitive en septembre.

Le débat idéologique autour de Manta

La décision de fermer la base américaine de Manta est éminemment politique. Rafaël Correa en a fait une question de souveraineté nationale, en accusant les Etats-Unis d’avoir utilisé la base pour autre chose que la lutte anti-drogue. Il affirme notamment que ce sont des informations recueillies par les avions espions américains de Manta qui ont permis à l’armée colombienne de mener le raid du 1er mars 2008 en territoire équatorien contre les FARC, qui a coûté la vie à Raul Reyes, numéro deux des FARC. « Il ne fait aucun doute que l’armée colombienne a bénéficié de la surveillance aérienne et des radars des avions américains stationnés à Manta », confirme Larry Birns, directeur du Council of Hemispherical Affairs, organisme basé à Washington, spécialisé dans les relations entre les Etats-Unis et l’Amérique latine.

Face aux critiques, les autorités américaines défendent l’utilité de la base de Manta. Ils assurent avoir injecté annuellement, ces dix dernières années, 6,5 millions de dollars dans l’économie locale. Ils vantent le soutien financier apporté à plusieurs organisations caritatives locales, à des écoles et des orphelinats. Plus largement, ils assurent que la base a joué un rôle stratégique dans la lutte contre le trafic de drogue et donc dans la protection des populations de la région, y compris des Equatoriens. « Manta ne menace la souveraineté d’aucun pays », assure l’ambassadeur Jeffrey Davidow, conseiller de Barack Obama pour le sommet des Amériques de Trinidad et Tobago en avril dernier et président de l’Institute of the Americas, basé à La Jolla en Californie.

En Equateur, le début du démantèlement de la base militaire de Manta suscite peu de commentaires (Voir la revue de presse des Amériques de Michèle Gayral). A Manta même, cela fait longtemps que la population s’était désintéressée du sort des soldats américains, qui vivaient en cercle fermé sur les 27 hectares qui leur avaient été concédés. « La base s’en va et ici, personne n’en parle », note Christophe Moreau, un Français installé à Manta, où il dirige Oro Verde, principal établissement de la ville.

Les Américains vont-ils chercher à remplacer  la base de Manta ?

A partir de ce vendredi, plus aucun vol de renseignements ne pourra être effectué par des appareils américains à partir de la base de Manta. Mais les Etats-Unis ont déjà trouvé une solution de remplacement. Adieu l’Equateur, vive la Colombie ! Le ministre colombien de la Défense a annoncé cette semaine un accord de principe sur la possibilité pour les avions américains chargés de la lutte anti-drogue d’opérer à partir de bases aériennes en Colombie. « Il n’y aura depuis la Colombie aucune opération impliquant une projection de forces vers une autre nation », a précisé le général Freddy Parilla de Leon, pour rassurer les voisins vénézuélien et équatorien. Le chef de la diplomatie colombienne a quant à lui insisté sur le respect de la souveraineté nationale, les bases restant sous commandement colombien, contrairement à Manta. Les Etats-Unis pourraient en tous cas gagner au change dans ce redéploiement de leurs activités de l’Equateur vers la Colombie, puisque Bogota s’apprête à accepter la présence de 800 soldats américains sur leur sol, contre moitié moins à Manta.

 



18/07/2009
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