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Paris végète sur le dossier Terhzaz

Deux ans après son arrestation et sa condamnation express pour un projet de lettre au roi, le colonel franco-marocain Keddour Tehrzaz attend toujours un geste de Paris. Sa famille aussi.

Il y a deux ans, le 9 novembre 2008, la vie tranquille de la famille Terhzaz a basculé : une trentaine de véhicules de la police et de la gendarmerie marocaines se présentent devant le domicile familial à Rabat.

Le déploiement de forces est tel que les voisins pensent à une visite du roi ! Il n’en est malheureusement rien. Avec leur tact et leur discrétion habituels, les sbires du régime viennent arrêter un vieil homme, un militaire à la retraite depuis une quinzaine d’années : le colonel major Kaddour Terhzaz, ancien numéro deux de l’armée de l’air du royaume.

Trois semaines plus tard, le colonel est condamné à douze ans de prison pour « divulgation de secrets militaires » au terme d’un simulacre de procès dénoncé aussi bien par Amnesty International, Human Rights Watch, l’AMDH (Association marocaine des droits humains) ou encore l’ASDHOM (Association de défense des droits de l’homme au Maroc) et de nombreux organes de presse marocains et européens.

Ancien élève de l’Ecole de l’Air de Salon de Provence et de l’école de Guerre, Chevalier de la Légion d’honneur (sous Giscard d’Estaing), Kaddour Terhzaz, dont l’épouse est française et qui, une fois retraité, a obtenu en deux mois la nationalité française, a cru en toute bonne foi que les autorités françaises interviendraient discrètement auprès des responsables marocains pour que soit mis un terme à cette sinistre farce. Malheureusement, les multiples démarches de ses proches auprès du pouvoir français n’ont strictement rien donné. Un mois après sa condamnation, la famille envoie une première lettre à Nicolas Sarkozy – avec copie au ministère de la Justice — pour l’informer de la situation et de son désir de voir la France agir le plus discrètement possible dans le cadre des relations amicales entre les deux pays.

Une condamnation comme une lettre à la poste

Un parent de Mme Terhzaz, François Baxerres, avocat honoraire près de la Cour d’appel de Toulouse a assisté au procès du 28 novembre 2008 et relevé un grand nombre de vices de procédure. Il le signale dans la lettre au président français, dont il a pris l’initiative. Pas de réponse de l’Elysée qui se borne à accuser réception.

Un autre courrier est envoyé en septembre 2009 de nouveau au ministère de la Justice qui répond que cette affaire relève d’une juridiction marocaine et que la France ne peut intervenir. L’argumentation est strictement juridique. Le président ne répondant pas, la famille pense que son épouse le fera peut-être. Des courriers sont ainsi adressés à Carla Bruni restés, eux aussi, sans réponse. L’Elysée a pourtant réagi à plusieurs reprises pour des détenus qui n’étaient d’ailleurs pas toujours français : Florence Cassez, infirmières bulgares, etc.

Rien ne bougeant, famille et amis du colonel décident de sortir de leur mutisme après une année d’attente angoissante. Grâce à la campagne de médiatisation qu’elle a menée et aux soutiens qu’elle a reçus, Sonia, la fille de l’officier, finit par obtenir un rendez-vous en février 2010 au ministère des Affaires étrangères devant lequel les proches avaient manifesté deux mois plus tôt et remis une lettre à l’attention de Bernard Kouchner.

Le Quai se tait

Les fonctionnaires qui la reçoivent parlent d’ «  affaire délicate », de l’impossibilité pour la France de s’ingérer dans un dossier qui relève non seulement de la justice marocaine mais de la justice militaire ! M. Terhzaz, ajoutent-ils, n’a rien d’un prisonnier de droit commun compte tenu des personnalités impliquées et des enjeux qui sous-tendent cette condamnation. En même temps, ils affirment vouloir assurer la protection consulaire dont il devrait bénéficier de droit.

Cependant, en dépit des demandes répétées du consul général auprès du ministère marocain de la Justice, l’officier n’a jamais pu recevoir la visite d’un diplomate français. Il est à ce jour le seul détenu binational à ne pas avoir bénéficié de ce droit de visite.

Famille et amis s’interrogent sur la position des autorités françaises : de quels « enjeux » parlent-elles ? En adoptant la version marocaine, elles en font une affaire d’Etat, alors que le colonel n’a jamais été un opposant, qu’il a la réputation d’être intègre et honnête et que la lettre qu’il a envoyée au roi ne relevait absolument pas du secret défense et n’avait d’autre objet que d’attirer l’attention du souverain sur la situation d’anciens prisonniers du Polisario.

Le combat d’une fille

A sa demande, Sonia est à nouveau reçue en mai 2010 où on lui répète tout ce qui a été dit trois mois plus tôt, à savoir que la France est intervenue très discrètement mais que rien ne sera rendu public officiellement. Après cette rencontre, les proches estiment n’avoir aucune garantie que la France intervient réellement et se demandent s’il ne s’agit pas de paroles en l’air destinés à donner le change.

Vendredi 29 octobre, encore à sa demande, Sonia est reçue par Nicolas Kassianidès, qui confirme « la préoccupation » du Quai d’Orsay exprimée quelques jours auparavant par Christine Fagès, la porte-parole du Ministère des Affaires étrangères, en réponse à une question d’un journaliste.

Ainsi, contrairement à ce qu’il avait affirmé, le ministère des AE a fini, sous la pression médiatique par se prononcer officiellement. Néanmoins, pour la famille et pour les amis, on est encore très loin du compte et la France n’a même pas fait le service minimum pour défendre l’un de ses ressortissants victime d’une injustice flagrante. Exemple parmi d’autres, l’ambassadeur de France à Rabat ne veut pas recevoir la famille. Au début il se retranchait derrière ses lettres de créance non présentées. Aujourd’hui, il n’a même plus cette excuse. La France aurait-elle peur du Maroc ?

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Un roi talentueux
© Oliv’

L’amertume de la famille est d’autant plus grande que certains de ses membres ont été reçus à Washington par des diplomates américains de haut rang qui ont au moins eu la courtoisie de les écouter.

Sarkozy perdu dans les sables

Surtout, elle déplore que les responsables français ne mettent pas la même ardeur à défendre un homme de 73 ans, de santé fragile, injustement condamné – Amnesty International et Human Rights Watch ne le soutiendraient pas comme ils le font si tel n’était pas le cas – qu’un certain nombre de parlementaires européens venus de tous les horizons. Ceux-ci entendent rappeler aux dirigeants du royaume que le statut avancé dont il bénéficie auprès de l’Union européenne a notamment pour conséquence le respect des droits humains et notamment celui de juger un homme conformément aux normes internationales et non pas au cours d’un simulacre de procès expédié en quelques heures. Une pétition de soutien au colonel Terhzaz de parlementaires européens est en cours qui a déjà recueilli près de 150 signatures.

Signalons enfin que les avocats du prisonnier, qui ont demandé le 30 septembre dernier à être reçus par Nicolas Sarkozy, attendent toujours une réponse.

Depuis que « l’affaire Terhzaz « a été médiatisée rien n’a été épargné à Sonia, la fille du colonel, qui a renoncé provisoirement à ses études pour se consacrer entièrement à la défense de son père. Régulièrement, lors de ses déplacements en Europe, elle est pesamment suivie par des agents des services de sécurité marocains. L’appui d’Amnesty International et d’HRW ou les articles de presse se sont aussitôt traduits par une aggravation des conditions de détention de Kaddour Terhzaz, privé à 73 ans de matelas et de sommier ! Aucun diplomate français n’a pu rendre visite à cet homme, binational comme ses quatre enfants et diplômé des grandes écoles françaises ! Tout cela ne paraît guère gêner les responsables français qui se bornent à évoquer, du bout des lèvres, le cas de ce détenu pour ne pas, croient-ils, compromettre les intérêts de la France dans le royaume ! Petits calculs qui ne servent ni la France, ni le Maroc empêtré une fois de plus dans un sordide règlement de comptes.



11/11/2010
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