C’est à se demander qui des Etats-Unis ou d’Al-Qaïda est le plus obsédé par l’autre… Est-ce le fait d’avoir tant attendu le point de vue d’Oussama Ben Laden sur l’élection du nouveau président américain en novembre dernier que services de sécurité et médias ont décrété que son dernier message s’adressait à l’Amérique d’Obama ?
Diffusé le 14 janvier sur les forums djihadistes, l’enregistrement sonore du chef d’Al-Qaïda est tombé à J – 6 de l’investiture du président élu. Le pays est dans l’effervescence des préparatifs et les services de sécurités sont à cran. Cette fois, on y est. « Ben Laden défie Obama » titre en Une l’ensemble de la presse. Au point d’en oublier que le sujet du moment, qui préoccupe et occupe autant la communauté internationale, les opinions arabes que les réseaux radicaux, bref la quasi planète, est l’offensive israélienne sur Gaza qui vient de prendre fin…
Ben Laden ne prononce même pas le nom d’Obama
Intitulé « appel au djihad pour mettre un terme à l’agression israélienne contre Gaza », le message d’Oussama ben Laden se focalise essentiellement sur le sort « cruel » fait aux Palestiniens, nouvel épisode la « guerre conduite par l’alliance sionisto-croisée et ses agents dans la région », et le nécessaire djihad à mener pour la contrer. D’Obama, il n’en est que peu question. A peine deux minutes sur les 22 que compte l’enregistrement. Si ce n’est pour le plaindre et compatir… sans d’ailleurs jamais prononcer une seule fois son nom. Dur dur d’être « le successeur d’un héritage aussi chargé », lui reconnaît le chef d’Al Qaïda. « Bush lui a légué deux guerres [Irak et Afghanistan] qu’il est incapable de continuer », car « s’il se retire, c’est une défaite militaire ; et s’il poursuit, il aggrave encore la crise économique » dans laquelle le pays est plongé, autre « cadeau » du Président sortant à son successeur à la Maison Blanche…
Barak Obama a du apprécier une telle marque de compréhension de la part de celui dont il jurait encore pendant la campagne électorale avoir la peau, et en faire une « priorité pour notre sécurité nationale » : répondant le même jour à la chaine CBS News le presque investi relativisait, et affirmait se focaliser davantage sur le combat à mener contre « les infrastructures de l’organisation » que sur le sort à réserver à son chef… Les hommes comptent peu, mais les combats restent : ces deux leaders-là se sont bien compris !
Al-Zawahri aussi donne de la voix
Mais les lieutenants ne sont pas toujours en phase avec la plus haute hiérarchie. Le n°2 d’Al-Qaïda, Ayman Al-Zawahri, lui y croyait et tablait, comme nombre de partisans enthousiastes d’Obama dans le monde, sur le changement. Dans un enregistrement diffusé aux lendemains de son élection intitulé « Bush est parti, arrive Obama » (sic) l’idéologue égyptien lui exprimait toute sa déception : « la nation musulmane a accueilli avec une extrême amertume votre prise de position hypocrite vis-à-vis d’Israël ».
Sans compter celle des Taliban, à qui il envoie un renfort de troupes américaines, malgré le pacte de paix qu’il lui proposait contre leur départ et préfère « s’entêter dans l’échec américain en Afghanistan » initié par Bush. Pire : « Vous êtes né d’un père musulman, mais vous avez choisi le camp des ennemis des musulmans ». La preuve : l’offensive israélienne en Palestine, qu’il a récemment qualifié de « croisade contre l’islam et les musulmans » est le « cadeau d’Obama à Israël » d’avant investiture, affirme le lieutenant déçu.
Et le fait qu’il soit d’origine africaine, ça pourrait aider ? C’est tout le contraire, tonne Al-Zawhari. Si le monde se réjouit de l’élection d’un Président de couleur, c’est parce qu’il est un « esclave noir au service des Blancs »… Bref, Bush et Obama, c’est du kif kif. Al-Qaïda est vraiment sans pitié.