PRIX DU POLICIER CORROMPU : Strasbourg : le superflic accusé d'avoir tourné au superdealer
Jugé en novembre, François Stuber faisait revendre héroïne, cannabis et cocaïne saisies par un de ses indics.
L’affaire qui sera jugée en novembre devant le tribunal correctionnel de Strasbourg n’est pas banale. François Stuber, capitaine de police, second officier commandant la brigade de répression des stupéfiants à Strasbourg, est accusé d’avoir jusqu’en 2007, détourné de l’héroïne, de la cocaïne et de la résine de cannabis des saisies judiciaires pour son profit, puis d’avoir lui-même importé des stupéfiants de Hollande.
Les douaniers n’en ont pas cru leurs oreilles. Au début de l’année 2007, un de leurs indics, prénommé Ludovic, vient les trouver pour leur dénoncer… le capitaine de police François Stuber, 45 ans au moment des faits, second officier commandant la brigade de répression des stupéfiants à Strasbourg. Selon cet indic, François Stuber se servait de lui pour revendre de la drogue issue des scellés de la police.
Le tuyau était si gros que le douanier a hésité à le consigner. François Stuber était un flic connu en Alsace, une pointure des stups, réputé efficace. Son dossier professionnel est sans tache, rien que pour l’année 2006, sa notation mentionne neuf fois la qualité « supérieure »…
Mais Ludovic était convainquant, voulait « en finir avec cette vie de chien » que lui infligeait le policier selon lui, et il impliquait également une greffière du tribunal de Strasbourg, Laurence Hamon, 36 ans, maîtresse de François Stuber, chez qui était reconditionnée la drogue avant d’être revendue.
Finalement, une information judiciaire est ordonnée et une enquête est menée par l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), avec notamment la mise sur écoute de deux lignes du capitaine Stuber fournies par Ludovic.
Les "bœuf-carottes" confirment rapidement que François Stuber dispose de son petit réseau de distribution de drogues et qu’il a transformé ses indics en revendeurs. Ainsi, Ludovic a été recruté en 2002 lorsque le policier l’a sorti sans dommage d’une affaire de trafic où il était impliqué.
François Stuber lui a présenté leur future relation comme une sorte d’association, lui ayant « le matos » et Ludovic les clients… A 25 ans, Ludovic accepte le marché et commence à écouler divers produits pour le compte de Stuber, au fil des saisies effectuées par la brigade des stups de Strasbourg (cannabis, subutex, amphétamines, cocaïne et plus rarement héroïne).
Les autres fonctionnaires du service n’ont jamais rien soupçonné. François Stuber était un électron libre au sein du commissariat de Strasbourg, une « personnalité » doublée d’une réputation de « bon flic, travailleur, un chasseur ».
En outre, le responsable de la destruction des scellés à la brigade des stups, c’était lui. Il avait mis au point des méthodes, racontées par Ludovic à l’IGPN, pour tromper ses collègues : il mélangeait des cachets de Doliprane pilés avec un peu de drogue, ce qui était suffisant pour tromper les tests toxicologiques. Pour l’herbe, il la remplaçait par de la paille achetée dans les magasins de jardinage…
Grâce à ses fonctions, et à la complicité de Laurence Hamon au greffe du tribunal, François Stuber était capable de protéger l’activité de ses revendeurs. La petite entreprise du capitaine aurait pu continuer longtemps.
Mais fin 2006, l’activité de la brigade des stups baisse et les saisies viennent à manquer. François Stuber, qui a de gros soucis d’argent pour soutenir un niveau de vie largement au-delà de celui d’un officier de police (grosses voitures, allers-retours dans les casinos suisses), décide d’importer du cannabis de Hollande pour alimenter son réseau.
Selon Ludovic, envoyé à Amsterdam par Stuber avec 10 000 euros, cinq kilos d’herbe de cannabis auraient ainsi été ramenés.
Lorsque le juge d’instruction décide de mettre fin aux activités du couple en mars 2007, les policiers trouvent au domicile de Laurence Hamon 4,5 kg d’héroïne pure à 95% provenant de saisies précédentes et des produits de coupe. Le juge dispose en outre de trois mois d’écoutes téléphoniques et des déclarations de cinq trafiquants de drogues liés à François Stuber.
A la brigade évidemment, c’est la consternation. Franck Stéphan, délégué du Syndicat des officiers de police à Strasbourg, se souvient :
« Au départ, je n’y ai pas cru. Puis devant les éléments présentés, j’ai ressenti, comme la plupart des policiers du commissariat, une grande frustration. Nous avons été trahis par l’un des nôtres. »
Dans ses déclarations au juge d’instruction, François Stuber reconnaît avoir détourné des produits stupéfiants, mais dans le but de rémunérer ses indics avec l’intention d’apporter des affaires plus importantes à la brigade. Une défense à laquelle ne croit pas Franck Stéphan : « C’est impossible, c’est interdit, surtout avec de telles quantités. »
Annyvonne Balança, procureur-adjoint de la République à Strasbourg, s'en étonne encore :
« En douze ans d’ancienneté, c’est la première fois que je vois ça. Le plus difficile aura été de continuer à travailler avec le couple pendant les trois mois qu’aura duré l’enquête… François Stuber était un interlocuteur du parquet pratiquement tous les jours. »
Me François Metzger, avocat de François Stuber et de Laurence Hamon, explique :
« François Stuber avait une obsession permanente de la représentation. Il ne conteste pas les faits, sauf l’importation, mais explique qu’il était pris dans un cycle qu’il ne pouvait arrêter, prenant des crédits pour subvenir à de précédentes mensualités…
Il a fini par vivre dans un monde à part, où remettre des produits stupéfiants à Ludovic était banal. Il conteste d’ailleurs avoir forcé cet indic à faire quoique ce soit, Ludovic était plus un petit frère qu’autre chose. De même, le couple affirme n’avoir jamais consommé de stupéfiants, ils n’invoqueront pas la "faiblesse" de la consommation personnelle à l’audience. »
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