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SCANDALEUX: Alger regorge de pétrodollars, les Algériens crèvent la dalle

Avec 140 milliards de dollars, l’Algérie affichait les réserves de change les plus élevées du monde arabe. Un bénef dont les salariés du privé et et les petits fonctionnaires voient pas bezef’.

Cadre moyen dans un des plus importants ministères du pays, Saïd, 50 ans, a des employés sous sa responsabilité et presque trente ans d’ancienneté dans l’administration. Mais pas de quoi acheter de la viande à ses enfants. Son salaire mensuel : 26 000 dinars (environ 260 euros). Soit 140 malheureux euros de plus que le Smic algérien fixé à… 120 euros depuis 2007.

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© Khalid

Comme toute république bananière qui se respecte, l’Algérie, deuxième pays exportateur de pétrole en Afrique, prend soin de redistribuer les recettes de ses exportations — à 98% des hydrocarbures — à ceux qui ont déjà de l’argent, des enfants qui font leurs études en Europe et de belles villas sur les hauteurs de la capitale. Aux nantis, en quelque sorte. De l’autre côté, il y a les marginalisés. Et au milieu, le gros de la population, éloigné des prises de décision politiques et qui ne bénéficie pas de la redistribution de la rente pétrolière. Une sorte de ventre mou qu’on appellerait, dans d’autres pays comme le Maroc ou la Tunisie, « classe moyenne ».

Sauf qu’en Algérie, elle n’a jamais existé. Ni la Révolution, ni le socialisme, ni les réformes mises en place sous le président Chadli n’ont vraiment généré de classe moyenne. En 1990, sur 1 euro de richesse créée, 0,18 partait comme rémunération pour le salarié, 0,12 sous forme d’impôts pour l’État et 0,70 comme rémunération du chef de l’entreprise. Depuis, la part de l’État est restée pratiquement stable alors que celle du salarié a diminué au profit de celle de l’entrepreneur.

Résultat : cette classe de petits salariés, démunie pour satisfaire ses besoins vitaux, se paupérise de plus en plus avec l’inflation. Officiellement de 4,4 % en 2008. « Mais la plupart des statistiques officielles sous-estiment l’inflation, relève un économiste étranger en poste à Alger. Si on regarde l’augmentation des prix secteur par secteur, on n’a pas besoin d’être un expert pour voir qu’elle atteint au moins 6%. La société présente de toute manière tous les symptômes de cette paupérisation. »

S’endetter pour manger

Un tiers des ménages s’endettent pour affronter les dépenses courantes : 68,2% d’entre eux ont contracté des emprunts et 46,43% consacrent les sommes empruntées aux dépenses courantes. Pour vivre avec le minimum, selon les calculs d’un syndicat autonome, une famille de cinq personnes aurait besoin d’au moins 34 000 dinars par mois. Un vrai minimum pour s’acheter un ticket de bus à 0,15 euro qui a pris plus de 30% de hausse en moins d’un an, un kilo de sardine passé en quelques mois de 0,40 euro à 3,50 euros ou un kilo de pommes de terre rarement au-dessous de 0,70 euro.

« La part grandissante des dépenses alimentaires est un autre marqueur révélateur (plus de 58% des dépenses globales selon le rapport du Programme national de développement des Nations unies), ajoute l’économiste. Car la consommation des ménages s’étudie à partir de cinq postes : l’alimentation, la santé, l’habillement et les loisirs. En cas de perte de pouvoir d’achat, deux phénomènes apparaissent. Les extrêmes augmentent : le poste alimentation augmente et celui des loisirs tend à disparaître au détriment de l’habillement, des loisirs, et plus grave, de la santé. »

Saïd, lui, n’est pas allé chez le médecin depuis plus de dix ans. Il garde le peu d’argent qui lui reste pour amener ses trois enfants, toujours malades depuis qu’il vit dans un studio humide de 29 mètres carrés à Bab el Oued, quartier populaire d’Alger (à 90 euros par mois avec des sanitaires collectifs à l’extérieur). Tous les mois, il doit mettre de côté 35 euros pour les consultations, les médicaments et, quand ses moyens le lui permettent, les tickets de bus.

Une voiture pour survivre

L’autre option — quand on habite dans un logement social, c’est-à-dire une des nombreuses tours récentes mais déjà délabrées construites par les Chinois dans la banlieue d’Alger – consiste à prendre un crédit pour acheter une voiture pour gagner le centre de la capitale où sont centralisées toutes les activités politiques et économiques et où pullulent Suzuki Maruti et Chevrolet Sparks.

« Dans un pays disposant de plus de 100 milliards de dollars de réserves et dont l’économie fonctionne correctement, on ne devrait pas voir autant de petites cylindrées, note notre économiste. On ne devrait pas non plus voir les friperies ouvrir à chaque coin de rue, spécialement dans les quartiers bourgeois qui n’ont jamais connu ce type de commerce typique des quartiers populaires. » Ni même autant de salariés obligés de travailler au noir pour rembourser leurs crédits ou simplement faire leurs courses. Un informel ostentatoire pour qui a l’habitude de se déplacer en taxi le soir venu et de monter dans un « clandestin ».

Derrière le volant : un enseignant, un infirmier ou un commerçant, qui après leur journée de travail, utilisent la voiture pour quelques courses à 2 ou 4 euros. « C’est humiliant, reconnaît un journaliste. Mais pas plus que pour certains employés de grands titres nationaux, si misérablement payés qu’ils sont obligés de mendier un logement social à l’État qu’ils sont censés dénoncer. » Les autorités le savent et le tolèrent. C’est ainsi que l’État pétrolier a choisi d’acheter sa paix sociale.



17/03/2009
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