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MEME LA MORT NE VEUT PAS DE LUI :

(Photo) La sculpture d’Ariel Sharon réalisée par l’artiste israélien Noam Braslavsky et exposée à la galerie Kishon à Tel-Aviv.

La sculpture d’Ariel Sharon réalisée par l’artiste israélien Noam Braslavsky et exposée à la galerie Kishon à Tel-Aviv.

 

Dans une chambre privée du deuxième étage de l’hôpital Tel- Hashomer de
Tel-Aviv, établissement bâti avec des pierres laiteuses et entouré de gros
buissons de romarin, Ariel Sharon est allongé, immobile et plongé dans un
état comateux. Alimenté par une sonde, l’ancien Premier ministre d’Israël
[de 2001 à 2006] continue d’ouvrir les yeux. On le redresse quelques heures
par jour pour qu’il regarde une télévision dont nul ne sait s’il peut
réellement la voir ou l’entendre. La radio est souvent allumée sur une
station de musique classique dans l’espoir que les mélodies qu’il aimait
tant puissent avoir un effet sur lui. Et tous les jours, Omri et Gilad, ses deux
fils, se relaient pour lui rendre visite, l’un le matin, l’autre
l’après-midi. Ils lui lisent des journaux et des livres.

Son lit est entouré de photos de ses petits-enfants. On lui apporte
régulièrement de sa vaste propriété du sud d’Israël [son ranch Les
Sycomores, dans le Néguev] des fleurs sauvages fraîches qui étaient les
préférées de sa défunte femme. Cinq ans après l’attaque qui a terrassé
leur père, Omri et Gilad souhaitent le ramener dans sa propriété. Des
tentatives ont déjà eu lieu, mais on ne sait toujours pas si un déménagement
définitif compromettrait ou non les soins administrés au patient.

Pour le moment, celui-ci, âgé de 82 ans, reste dans sa chambre d’hôpital
ensoleillée. Sharon suit une physiothérapie et on le change régulièrement de
position dans la journée pour éviter les escarres. Le jour de ma visite,
j’ai été accueillie par un garde au visage de bébé mais aux biceps
gonflés digne d’un dessin animé. Il avait un M16 à l’épaule. Dès que
j’ai franchi les doubles portes du service, il m’a arrêté et demandé qui
je venais voir. Quand je lui ai répondu que je souhaitais rencontrer le
médecin responsable du service, il m’a demandé mon nom. Quelques minutes
plus tard, un agent en civil du Shin Beth, le service de contre-espionnage
israélien, a fait son apparition. “Le médecin ne veut pas vous parler. Il ne
parle pas aux journalistes”, m’a-t-il dit avec un demi-sourire d’excuse
avant d’ajouter : “C’est un service fermé, ici. Il faut que vous
partiez.”

Vu son âge et le temps qu’il a passé dans le coma, il est fort peu
probable que Sharon se réveille un jour. Un membre de l’équipe médicale qui
a gardé l’anonymat a récemment déclaré à un journal israélien que son
cerveau avait “la taille d’un pamplemousse. La partie qui permet à son
corps, à ses organes vitaux, de fonctionner est normale mais à part ça il
n’y a rien, seulement du liquide.” Sa famille et les rares personnes qui
rendent visite à Sharon refusent toutefois d’abandonner et évoquent des cas
de patients dans le coma qui se sont réveillés miraculeusement, à la
stupéfaction des médecins. “Il a l’air comme avant. Arik [Sharon] est
toujours le même Arik”, déclare Gilbert Cohen, qui appelle l’ancien
Premier ministre par son surnom. Chauffeur de Sharon pendant vingt ans, il
occupait toujours officiellement ce poste jusqu’à l’année dernière et se
présentait tous les matins à l’hôpital pour prendre ses fonctions.
“J’entrais et je disais : ‘Bonjour, comment allez-vous ?’ comme je le
faisais chaque jour où je travaillais pour lui. Je prie et je prie pour que son
état s’améliore.”

Dans les jours qui ont suivi le deuxième accident cérébral de Sharon, le 4
janvier 2006, le pays s’est retrouvé comme en suspens. Les campagnes
électorales d’Israël et de Palestine ont été bouleversées et les familles
se sont groupées autour des radios et des télévisions dans l’attente de
nouvelles de l’hôpital Hadassah, où Sharon avait été transporté. Au fur
et à mesure qu’il devenait évident qu’il n’allait pas se rétablir, le
pays s’est replié sur ses préoccupations quotidiennes. Ehoud Olmert,
l’adjoint de Sharon, lui a succédé et la vie a repris son cours au rythme
échevelé de la société israélienne. Tout cela fait qu’Israël n’a pas
eu la possibilité de se pencher sur l’héritage laissé par cet homme, qui
fut l’un des personnages les plus controversés de l’histoire de l’Etat
hébreu, un homme tellement vilipendé que les Israéliens qui immigraient
déclaraient avoir quitté le pays à cause de lui, mais qui, au moment où il a
eu son accident cérébral, était considéré par beaucoup comme le mieux
placé pour conclure la paix au Proche-Orient.

Aujourd’hui, dans une petite galerie de Tel-Aviv, une stupéfiante sculpture
d’Ariel Sharon reposant sur un lit d’hôpital métallique attire des
milliers de visiteurs. Le personnage est soutenu par des coussins, vêtu d’un
pyjama bleu pâle et couvert d’une couverture de laine, et sa poitrine se
soulève et retombe sur un fond sonore de respiration. L’effet est plutôt
bizarre. J’observe les gens qui approchent de l’installation. Ils semblent
dubitatifs. Ils se balancent d’un pied sur l’autre, mal à l’aise.

Et, pendant qu’ils se grattent la tête, leur ancien Premier ministre flotte
entre la vie et la mort, les yeux à demi-ouverts, scrutant l’insondable.



06/03/2011
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